Photo: Fernand Fourcade
Samedi 16 novembre 2024
« Quand un arbre raconte le monde », le nouveau livre de Franck Lirzin paraît aux Editions de Aube. Il compte 294 pages et coûte 23 euros. Le héros de ces pages est un arbre. Un arbre qui parle. Un arbre qui parle comme le ferait un chef indien. Un de ces chefs qui n’ont aucune place dans l’imagination des journalistes de FoxNews, de Donald Trump et d’Elon Musk. L’arbre parle et dit : « Du demi-million d’arbres qui vivent à Paris, aucun n’approche, ni de près ni de loin, la magnificence et le génie qui depuis quatre cents ans, me distinguent » Et aussitôt, l’expression « les murs ont des oreilles », que l’on croyait appartenir aux vil patois des potiniers et des tontons prend tout son sens. Si les murs ont des oreilles, c’est pour écouter ce que disent les arbres. Et nous serions bien avisés de les écouter, nous aussi. Si nous les écoutions nous nous opposerions toutes et tous à la construction entre Castres et Toulouse de cette autoroute A69, lequel n’a rien d’érotique…
Notre arbre qui parle comme un chef indien, est un roi, le roi Robinier 1er, de l’espèce Robinia Pseudoacacia. Quatre siècles qu’il vit à Paris, face à Notre-Dame, du côté de la rue Saint-Julien le Pauvre où habitait Claude Nougaro. Ils ont dû se voir tous les deux, se parler peut-être, Claude fréquentant lui aussi le square Viviani. A Paris depuis quatre siècles, le sieur Robinier 1er ! Où vivait-il avant ? Aux Etats-Unis. Un migrant donc, auquel Bruno Retailleau qui, ces temps-ci, semble très énervé pourrait bien chercher des noises… Robinier 1er nous raconte, avec poésie, avec drôlerie, son long parcours au pays des hommes. Et c’est le monde, le monde tout entier qu’il brandit de toutes ses branches devant nos yeux ! Un monde qui morfle. Un monde que nous sauverons en nous plaçant du côté des arbres. Du côté de « La Forêt » de Notre-Dame, de ses deux mille poutres qui manquèrent partir en fumée. Lisez Lirzin !
Samedi 7 novembre 2024
Celui qui, à Marseille, ouvre le feu sur vous, n’est pas appelé tueur mais charcleur. Du verbe occitan « charcar » qui signifie inquiéter, molester, chercher noise, importuner. A Marseille, l’occitan fait un retour sur scène. La scène du crime.
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Tour de France 2025 dans les Pyrénées : le 18 juillet, une nouveauté, le contre-la-montre individuel Loudenvielle-Peyragudes et, le lendemain, 19 juillet, une étape classique Pau-Luchon. Pau-Luchon, c’est le Tour de France d’il y a belle lurette, celui de 1930 remporté par André Leducq, ou celui de 1949 que s’adjuge Fausto Coppi. Pau-Luchon, une étape ancienne, un grand combat : la bataille de Pauluchon.
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Je relis « Lourdes, lentes » d’André Hardellet, texte érotique délicieux, pour les amoureux des mots et des courbes des femmes. André Hardellet, vous le connaissez, si, si, vous le connaissez. Votre oreille se souvient de lui, le garde dans son pavillon. Il est l’auteur du « Bal chez Temporel », chanson qu’interprétait Guy Béart : « Si tu reviens jamais danser chez Temporel/Un jour ou l’autre/Pense à ceux qui tous ont laissé leurs noms gravés/Auprès du nôtre.
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Le béret. Quand c’est Michèle Morgan ou le jazzman Bernard Lubat qui le portent : oui. Quand c’est un Béarnais passant, cul serré, sur une trottinette dans les rues de Pau : non !
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Ahou Daryaei, en sous-vêtements, sur un campus universitaire à Téhéran, parmi les tchadors et les Gardiens de la révolution. Les Gardiens de la révolution l’ont arrêtée, molestée, jetée en prison. D’une autre prison iranienne Narges Mohammadi, Prix Nobel de la paix 2023, déclare: « L’étudiante qui a manifesté à l’université a transformé son corps, longtemps utilisé comme arme de répression, en symbole de dissidence ». Ce sont les femmes qui, à Téhéran, feront tomber les tyrans.
Samedi 19 octobre 2024
Milène Tournier , photo Hélène Surget
Pogi, poga, Pogacar ! Tadej Pogacar. Enfin un Forçat de la route dont la façon – audacieuse – de courir enchante Bernard Hinault, lequel, s’agissant de l’audace, en connaît un rayon. Tadej Pogacar est partout chez lui, surtout dans Les Pyrénées où il fit des étincelles, en juillet dernier, durant le Tour de France. Les Pyrénées : l’hiver, la neige, l’été, Tadej !
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Plateau de Ger. Le long de la route étroite et sèche, des hectares de terre nue, libérés de l’envahissant maïs. Au-dessus des mottes noires, des volées de moineaux. Sur la route, les roues de mon vélo, et des feuilles mortes.
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Milène Tournier. Poète. Il existe la Tournier-des-villes, auteure du recueil « Ce que m’a soufflé la ville », et la Tournier-des-champs, auteure du recueil « Et m’ont murmuré les campagnes », lequel paraîtra en février, aux Editions du Castor astral. Pour vous lectrices et lecteurs de ce « Percolateur », un poème de Milène Tournier écrit dans les campagnes:
Au-dessus des champs de maïs,
La lune abondamment nue
Tout le ciel
Est superflu.
Milène Tournier sera à Saint-Lary le 8 mars 2025 à l’occasion du Printemps des poètes.
Samedi 12 octobre 2024
Ce mot dont ils usent sans cesse, qu’ils mettent à toutes les sauces et dont on perd le sens de vue : résilience.
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Je pose le stylo, relis le passage à voix haute. Le son est là, c’est bon. Un café. La chaude mousse du café. J’allume la télé, les chaînes d’info en continu, les mêmes images de guerre et de haine de partout, et ce vers de Claude Nougaro qui me vient aussitôt à l’esprit et que je chuchote en appuyant sur la touche « Stop » de la télécommande: « Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des tanks. »
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Des nombreuses côtes qui permettent d’accéder au Plateau de Ger, celle d’Andoins n’est pas la plus coriace. On n’en sort jamais rincé sauf si l’on tient à tout prix à garder durant la courte montée un gros braquet. Abusant de la grande plaque l’on finit mort, mais rien de grave : le dernier virage donne sur un portail toujours grand ouvert, celui du cimetière. On n’a plus qu’à entrer, à s’allonger sur une tombe, au soleil. Ci-gît un audacieux vélocipédique qui avait les yeux plus grands que ses pédales automatiques.
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Les vénérables Editions Seghers qui ont retrouvé le chemin des librairies, publient en édition bilingue et format carré, les poèmes de Vinicius de Moraès, inventeur avec Antonio Carlos Jobim et Joao Gilberto de la bossa-nova. Titre du recueil : « Je te demande pardon de t’aimer tout à coup ». Au cœur de la poésie lyrique et sensuelle de Vinicius de Moraès, la femme. Vinicius de Moraès veut qu’elle « soit légère comme un reste de nuage : mais que/ce soit un nuage/Avec des yeux et des fesses/Les fesses c’est très/Important/Les yeux/Inutile d’en parler… » Les poèmes de Vinicius de Moraès sont traduits et présentés par Jean-Georges Rueff. Beaux poèmes, belle couverture, beau recueil qui trouvera sa place dans l’Eastpak puis sur la table de nuit. 158 pages, 15 euros.
Samedi 5 octobre 2024
Bientôt plus d’oiseaux, hormis les volailles sous les hangars carcéraux
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Les bêtes n’ont pas que des amis au gouvernement : Geneviève Darrieussecq, ministre la santé, promeut la corrida, s’en repaît, et Annie Genevard, ministre de l’agriculture, entre les pesticides et les oiseaux choisit les pesticides.
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En 1964, dans un livre fameux intitulé « Parlez-vous franglais ? », publié chez Gallimard, René Etiemble déplorait que la langue française filât à l’anglaise. 20 ans après, l’Académie française, dans « N’ayons pas peur de parler français »(Ed. Plon) déplore à son tour l’arrivée massive dans la phrase française de mots et tournures anglo-saxons. Allons en Lorraine, avec l’Académie. Il y a, en Lorraine, un aéroport. Comment les décideurs du coin l’ont-ils nommé ? « Lorraine Airport ». La justice a été saisie, a tranché : l’aéroport s’appelle désormais « Lorraine Aéroport ». L’Académie fait un saut dans la Sarthe et découvre le slogan conçu par des communicants soucieux de « booster » l’image du département : « Sarthe Me Up ». L’Académie proteste, à tord cette fois. Car « Sarthe Me Up » n’est pas du « franglais », n’est pas du « globish » mais un clin d’œil à « Start Me Up », le tube des Rolling Stones. Ah, comme il chante, bouge et danse bien, Mick Jagger sur « Start Me Up »: « If you start me up, If you start me up, I’ll never stop… » La Sarthe, si j’en crois le slogan, chante, bouge et danse comme Mick Jagger. Un département d’enfer.
Samedi 7 septembre 2024
A l’heure où, rentrée littéraire oblige, la « prose inoffensive » – le mot est du poète Jacques Roubaud -, coule à flots, Thomas Morales, publie aux Editions Héliopoles, « Les Bouquinistes ». 192 pages, 17 euros. On imagine bien Thomas Morales tenir une échoppe à Paris, le long des quais. Ce que les flâneurs des deux rives dégotteraient dans sa cahute, nous le trouvons dans son livre dont chaque chapitre est une boîte. Première boîte : « La Boîte à livres ». L’on fouille et l’on tombe sur André Frédérique et ses « Histoires blanches », Colette, ou encore Roald Dahl, auquel Morales donne la parole : « Il faut être fou pour devenir écrivain. Celui qui choisit cette profession n’a qu’une seule compensation : une absolue liberté. Il n’a pour seul maître que son âme, et c’est là pour lui, j’en suis sûr, un motif déterminant. » Après « La boîte à livres », « La boîte à crayons ». Et Morales de croquer Quentin Blake, René Goscinny, ou encore Chaval. La boîte suivante est « La boîte à musique ». Le premier à bondir hors de la boîte, c’est Carlos, l’auteur de « Big bisous ». Carlos donc mais aussi Charles Trenet auquel l’Académie française a eu tort de ne pas ouvrir ses portes. Demandez à Brassens, demandez à Brel, demandez à Nougaro qui est Trenet, et tous vous répondront : Trenet, c’est le maître ! A « La boîte à musique », succède « La boîte à bobines », et Morales de faire son cinéma : Louis de Funès, Marie Pacôme, Mastroianni, « Rocky », « Ascenseur pour l’échafaud »… ». Il n’ y a pas de Morales sans bagnoles, d’où « La boîte à roulettes », avec, ouvrant le bal, la Ford Mustang. Il y a aussi « La boîte à secrets », mais je ne vous en révèlerai aucun. Le passé est vivant. Mieux, il nous fournit des munitions pour affronter cet étrange présent qui s’emploie à tout effacer, tout engloutir. Avec ses boîtes, Morales construit une barricade. Il ne reculera pas.
Jeudi 15 août 2024
Elle a de délicieux copeaux d’acier dans le gosier, la meuf de Womack & Womack quand elle chante « Teardrops »
Samedi 10 juillet 2024
Paris 2024
Les Jeux olympiques, la France, Paris 2024 : tout commençait mal. Une menace planait sur les bouquinistes, sommés de déguerpir, de libérer les quais, eux qui les font vivre, et de laisser la place aux selfies, aux drones, à Coca cola, à RoboCop. L’ordre fut retiré : Paris restait Paris, la «seule ville du monde où coule un fleuve encadré par deux rangées de livres», comme l’écrit Blaise Cendrars dans Bourlinguer. Et que veulent-ils ces livres rangés dans les boîtes vertes ? Voir passer des bateaux. Ils les virent passer, la nuit, durant la cérémonie d’ouverture. Des bateaux sur lesquels gambillaient, dans les jets de lumières et les gouttes de pluie, des athlètes agitant des petits drapeaux, heureux d’être là. A Paris, les athlètes cessent de défiler. Fini, les corps raides ! Fini, les épaules bloquées ! Disparu, celle ou celui qui marchait en tête de délégation, la hampe du drapeau plantée dans les abdos ! Sur les bateaux, comme à Rio, comme partout où la joie est chez elle, les athlètes dansaient. C’était Samba sur Seine.
Pendant que les champions dansaient sur l’eau, un personnage, le visage dissimulé sous une capuche, courait à perdre haleine sur les toits de Paris en brandissant la flamme olympique. Il semblait sortir d’un jeu vidéo. Mais au Grand Palais, on passa du jeu vidéo au roman, au roman de cape et d’épée, à l’escrime. Et je crus voir tomber, depuis mon canapé, les hommes du Cardinal. Epée, sabre, fleuret, notre médaille est de bronze mais notre botte, de Nevers.
Rien n’est aussi beau qu’un bateau, excepté un cheval. Et nous en vîmes un galoper sur le Seine, mi Pégase, mi Nautilus, laqué de nuit, glissant sur l’échine frissonnante du fleuve, monté par une cavalière qui était à la fois une amazone et une créature surgissant de la télé de notre enfance, signant son nom à la pointe de l’épée d’une J qui veut dire JO.
Rien n’est aussi beau qu’un bateau, excepté un cheval. Et les chevaux sont chez eux à Versailles, entre le soleil qui appartient au roi, et l’ombre qui appartient aux arbres. Ils trottent, galopent dans l’ombre et dans la lumière, se jouant des obstacles et de l’eau. Beauté des crins, beauté des sabots, beauté des naseaux : le château de Versailles est la coiffeuse des chevaux. La reine Marie-Antoinette avait aussi quelques habitudes en ce château où elle garait son carrosse. Nous la retrouvâmes, décapitée, sur les murs de Paris, durant la cérémonie des JO. Je n’aime point que dans l’arène meurent les taureaux, non plus que les reines sur l’échafaud.
Rien n’est aussi beau qu’un bateau, excepté un vélo. Le vélo de Remco Evenepoel se joue du pavé ruisselant de Paris, frôle le dôme doré des Invalides et les balustrades bleues. Il est doté d’une roue lenticulaire, laquelle sous la pédalée puissante et fluide de Remco se donne des airs de soucoupe volante et de frisbee. Les reins de Remco sont d’airain et le casque de Remco, celui des guerriers homériques.
Les vélos des JO, qui ne sont ni des Vélib ni des trottinettes mais de fort gracieuses montures, ressuscitent, lorsqu’ils abordent la montée de la rue Lepic, un Paris qui l’on croyait perdu, le Paris du Cyclocross de la Butte-Montmartre que remporta à deux reprises un certain Jean Robic, vainqueur du Tour de France en 1947. Si les « escaliers de la Butte sont durs aux miséreux », ils le sont aussi aux mollets des champions. Que les courses cyclistes reviennent dans Paris ! Débarrassons-nous des fumées et des 4×4, rendons Paris aux piétons, aux cyclistes, aux cavaliers, et Montmartre, à Marcel Aymé !
Rien n’est aussi beau qu’un bateau, excepté un oiseau, et nous regardons Simone Biles, justaucorps étoilé, courir et s’envoler. Le tremplin reste au sol, la poutre reste au sol, le sol reste au sol : seule Simone vole.
Voler comme Simone. Aux JO, d’étranges vélos le font. On les appelle BMX. Trois consonnes qui se tamponnent, et le tour est joué. Ces machines volantes ont un cadre bas. Leurs roues ne sont pas celles du vélo de Pogacar, plutôt celle d’un vélo d’enfant. Leurs pilotes portent des casques de motard, des casaques de jockey, des gants de joueur de hockey. Ils sprintent dinguement, et les voici qui volent au-dessus de la piste bossue, mauve et dorée, semblables à des gazelles. « Mais où sont passées, les gazelles », se demandait au siècle dernier Lizzie Mercier Descloux dans une chanson ? Elles sont à Paris, au JO.
Rien n’est aussi beau qu’un bateau, excepté l’eau qu’il épouse et fend. Celui qui, à Paris, se vêt d’eau, c’est Léon Marchand. Il plonge et devient un dauphin. L’eau ne pouvait rêver meilleur compagnon. Léon dans le bassin bleu, c’est chorégraphique. Un pas de deux et d’eau. De cette eau qui est sienne, Léon Marchand prend quelques gouttes et les transforme en or.
En France, tout finit par des chansons, lesquelles souvent louent les ponts de Paris. Durant la cérémonie des JO, les lumières se glissèrent sous les ponts de Paris, éclairèrent leurs pierres pâles, les caressèrent comme des ventres de chiots. Et je songeais à Vincent Scotto, à Lucienne Delyle, à Francis Lemarque disparaissant tous les trois « sous les ponts de Paris, lorsque descend la nuit », sous « les ponts de Paris où l’on vient s’aimer en cachette ». Mais je me tais tant je crains d’être accusé de « trouple à l’ordre public »
Les ponts de Paris, durant les JO, crevèrent l’écran, et parmi eux sans doute le Pont Mirabeau sous lequel jadis coulait la Seine. Et la Seine de nouveau coule lorsque Cassandre Beaugrand nage dans ses eaux. Seront-elles bientôt claires les eaux de la Seine? Pourront-elles de nouveau nous parler du temps qui passe, du temps qui dure, du temps qui reste ?
Les ponts de Paris, durant les JO, crevèrent l’écran. Les JO à Paris, c’est les ponts et Dupont. Dupont qui découvrit le rugby à Castelnau-Magnoac, dans les Hautes-Pyrénées, à deux pas de l’Institution Notre Dame de Garaison, Garaison où la Vierge Marie apparaît à la jeune bergère Anglèze de Sagazan en 1515, Garaison qui fut le théâtre de plusieurs miracles, Garaison où je fus professeur de lettres et Jean Castex un brillant élève. Les miracles, durant les JO, Dupont s’en est chargé. Sur la pelouse du stade de France, où que tombât le ballon, il y avait Dupont. Dupont qui jaillit, Dupont qui perce, Dupont qui marque. Les Anglais avaient nommé Jean Prat « Monsieur Rugby ». Ce titre, qu’ils le donnent à Dupont. Lequel se prénomme Antoine. Comme Blondin.
Dimanche 28 juillet 2024
JO
Beauté des bateaux et d’un cheval mécanique galopant dans la nuit sur les eaux
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Je n ’aime point que dans l’arène meurent les taureaux, non plus que les reines sur l’échafaud.
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Qu’est-ce que l’Occitanie ? Les troubadours, Joë Bousquet, André Breton à Montségur, Bernard Manciet, Claude Nougaro, Bernard Lubat, et Antoine Dupont marquant au JO contre les Fidji.
Samedi 8 juin 2024
Trouvé, dans « Ce que m’a soufflé la ville », recueil de poèmes de Milène Tournier paraissant au Castor Astral et coûtant 9 euros :
Déménagement, la fille trimballe
Son haut miroir, c’est la première fois
Que le clochard se voit, manchant.
« Manchant » : participe présent du verbe « mancher » que Milène Tournier fabrique. Avec « mancher » qu’elle substitue à « faire la manche », Milène Tournier sauve le geste, la main du clochard, et les quelques mots que peut-être il bredouille. Ce que nous ne voyons pas, Michèle Tournier le voit, et ce qu’elle voit devient nôtre.
Samedi 31 mai 2024
Lors de sa revue de presse sur France Inter, Carine Bécard, commentant les résultats sportifs, établit un parallèle entre la victoire du Stade Toulousain en Champions Cup et celle du Qatar-Saint-Germain en Coupe de France. Mais comment peut-on mettre sur le même plan un club, une légende, une histoire, la place du Capitole, la brique rouge, l’Occitanie, la Garonne, Antoine Dupont et ce QSG qui n’est qu’un budget ?
Jeudi 23 mai 2024
Poulidor, le bienheureux
Le maréchal Foch a, depuis belle lurette, sa statue à Tarbes. Une statue équestre, en bronze, sculptée par Firmin Michelet, trônant devant la caserne du 1er Régiment de Hussards Parachutistes. Raymond Poulidor a désormais la sienne, également en bronze, sculptée par Bernard Potel, érigée elle aussi dans les Hautes-Pyrénées, à Saint-Lary précisément. Elle le représente sur son vélo, en danseuse, élégant, explosif, tel qu’il était quand l’envie d’attaquer lui prenait. Foch, c’est la victoire, et Poulidor, ce qui nous est arrivé de mieux en temps de paix.
Une statue de Raymond Poulidor à Saint-Lary ! On est bien loin de la Creuse, de Masbaraud-Mérignat, de la ferme « Les Gouttes » où Raymond, fils de métayers, vit le jour, le 15 avril 1936. On est loin de Saint-Léonard de Noblat, village de la Haute-Vienne, où Raymond a vécu, où Raymond, décédé le 13 novembre 2019, repose. Rappelons d’abord que Poulidor, le plus populaire des Géants du Tour, est partout chez lui dans ce pays qui l’a tant applaudi. Rappelons surtout que c’est à Saint-Lary, sur les pentes du Pla d’Adet qu’il accomplit, le 15 juillet 1974, son plus bel exploit. Et qui, à Paris, le dimanche 21 juillet 1974 montait sur la deuxième marche du podium du 61ème Tour de France? Raymond Poulidor. Encore deuxième, toujours deuxième, Poulidor ? Non, il arriva qu’il se classât troisième. Ce fut le cas, le 18 juillet 1976, à l’arrivée du 63ème Tour de France: premier, Van Impe, deuxième Joop Zoetemelk, troisième Raymond Poulidor. Il arriva même que Raymond Poulidor se classât premier. Ce fut le cas, le 18 mars 1961. Ce jour-là, il remportait à la barbe des costauds Milan-San Remo.
Milan-San-Remo : quelle histoire ! Il aurait dû disputer la fameuse classique en 1960 mais, n’ayant ni passeport ni carte d’identité, il n’avait pu se rendre en Italie. En mars 1961, les papiers ayant été faits, Raymond Poulidor prend le départ de la Primavera, de la Classicissima. Il est victime d’une crevaison au moment où Rik Van Looy et André Darrigade attaquant de concert, secouent le peloton. C’est fichu. Poulidor confie son vélo au mécano et, dépité, monte dans la voiture de son directeur sportif Antonin Magne : il abandonne. Colère de Magne : « Remontez sur votre vélo et livrez la bataille, monsieur Poulidor ! » Raymond remonte sur son vélo et revient sur le groupe de tête. Voici les bosses, les terribles capi qui s’enchaînent, se multiplient: capi, c’est jamais fini ! Van Looy fait parler la poudre dans le capo Berta, prolonge son terrible effort. Il se retourne pour s’assurer que tous ont sauté. Tous ont sauté sauf un : Poulidor. Le redoutable Poggio maintenant se présente. Raymond gicle, Van Looy se gare. Raymond, seul, entre dans San-Remo. La victoire est là-bas, juste après la fontaine encadrée par deux rues. Laquelle prendre ? Le flic de faction fait des gestes confus. Raymond en choisit une. Le klaxon de la caisse de Magne l’alerte : monsieur Poulidor, vous vous êtes trompé ! Raymond freine, s’arrête, fait demi-tour, retrouve la fontaine. Oh la la, la meute est là, la meute est là ! Raymond s’arrache, appuie et, Van Looy au cul, remporte sur la via Roma, comme Coppi, comme Bartali, comme Costante Girardengo, Milan-San Remo. Et la France, la France des fermes, des bourgs et des clochers, la France de monsieur l’instituteur et de monsieur le curé tombe sous le charme de ce jeune champion au franc sourire, directement passé des mancherons de la charrue au guidon de son vélo.
Comment s’appelle-t-il ce jeune champion que la France voudrait serrer contre son coeur ? Poulidor. Le dictionnaire précise que « Poulidor » vient de l’occitan « poulidou » signifiant « polissoir ». Poulidor porte un nom d’outil. Dans le peloton, Poulidor est le polissoir, et Anquetil, le polisson. L’oreille qui n’a que faire des étymologies, entend plusieurs mots, tout un poème dans ce patronyme merveilleux .Y a poule dans Poulidor, le caquètement cool de la basse-cour, le soleil du matin, le chien couché devant la porte, museau posé sur les pattes. Y a poule dans Poulidor , la poule de « Viens Poupoule », le bal du 14 juillet, l’accordéon, les lampions, une robe fleurie. Y a poulie dans Poulidor, la poulie, la margelle du puits, les grincements de la poulie au-dessus de la margelle du puits. Tout ça, c’est de l’or, c’est l’or de Poulidor.
Les paysans aiment ce jeune Poulidor qui, avant d’escalader le Tourmalet, labourait son champ, encourageant d’un claquement de langue la Cailla et la Rouzeaud, les deux vaches liées par le joug. Ils aiment ce jeune champion sur lequel le sort s’acharne, comme il s’acharne sur eux si souvent. Ah, cette chute dans une côte de Saint-Léonard de Noblat, en 1962, quelques jours avant le départ du Tour, son poignet fracturé, ce Tour qu’il dispute, la main et l’avant-bras pris dans un plâtre ! Un plâtre qui l’empêche de serrer correctement son guidon, un plâtre qui le fait terriblement souffrir sur les secteurs pavés vers Nancy. Comme les paysans dont une intempérie a saccagé les semis, Poulidor repart à la tâche, chaque jour, sans se plaindre. Poupou est un paysan, et ce paysan enfin débarrassé de son plâtre, attaque le jeudi 12 juillet 1962, lors de l’étape Briançon-Aix-les-Bains, dans les cols chers à Charly Gaul, et lâche Jacques Anquetil. Jacques remporte le Tour, la France n’a d’yeux que pour Raymond.
Commence alors la longue série des Tour de France que Poulidor dispute sans jamais en gagner aucun. Sans jamais porter, ne serait-ce qu’une journée, le maillot jaune. Il était sur le point de le revêtir, lors du prologue d’Angers, le 29 juin 1967, quand un coureur espagnol inconnu, un certain José-Maria Errandonea, le lui ravit pour six secondes. Errandonea abandonnera deux jours plus tard.
Pourquoi n’a-t-il jamais gagné le Tour, Raymond ? A cause de sa popularité auprès des Français et des motos. Le 14 juillet 1968, l’une d’elles, voulant le voir de près, le fait chuter. Double fracture de l’os frontal. Raymond, qui avait déjà distancé au général les prétendants à la victoire finale – Lucien Aimar, Jan Jansen, Herman Van Springel – est contraint à l’abandon. Laissons la parole à Jacques Goddet : « Pas une seule victoire ! Je déclare qu’il s’agit d’un déni de justice, un affront fait à la logique du sport cycliste, surtout lorsque celui-ci s’exprime sous la forme de courses à étapes, c’est-à-dire lorsqu’il regroupe et réalise la somme des valeurs humaines : fond athlétique, sens tactique, rigueur morale, toutes choses dont Raymond Poulidor était fort bien pourvu – y compris, je l’affirme, ce sens tactique que d’aucuns lui contestèrent durant sa longue et si méritante carrière. »
Pourquoi n’a-t-il jamais gagné le Tour, Raymond : à cause d’Anquetil ? Non, à cause d’une gifle. La gifle du Critérium du Dauphiné libéré. Le 3 juin 1963, Raymond prend le départ du Critérium et, dans la Chartreuse, fait sauter Jacques Anquetil et Federico Bahamontes dès le premier col. Un truc énorme : du Poulidor. Mais, tout à coup, dans la montée vers Saint-Nizier, Poulidor, qui ne s’est pas alimenté, pâlit, zigzague, s’arrête, manque de s’écrouler. Antonin Magne accourt, lui administre une terrible gifle : « Vous repartez, monsieur Poulidor, vous repartez ! ». Raymond s’alimente et, avant de repartir, s’adressant à son directeur sportif : « Plus jamais de gifle, Monsieur Magne, plus jamais ça! ». Héros, Anquetil invitait volontiers la souffrance à sa table. Philosophe, Poulidor préférait « finir deuxième que dans un état second ». Alors pourquoi roule-t-il, Raymond ? Pour se sentir vivant, et découvrir « ce qu’il y a de l’autre côté de la haie » Et, de l’autre côte de la haie, il y a la France. Et son bonheur.
Ce bonheur au bras duquel il roule, ne lui interdit pas , dès lors que ça lui chante, d’accomplir des exploits. Et c’est ainsi que, le 15 juillet 1974, dans la montée du Pla d’Adet, ascension finale de la 16ème étape du 61ème Tour de France, il décide de les éparpiller tous par petits bouts façon puzzle.
Parti de Séo de Urgel en Andorre, le peloton a déjà escaladé le Puerto de Canto, le Puerto de la Bonaigua, le col du Portillon , le col de Peyresourde et , amené par Willy van Neste, roule sur les bords de la Neste. Le Pla d’Adet, le voici. 11 bornes. De chaque côté de la pente sévère, la foule en short, les parasols, les tables de camping, les chapeaux de fortune. Les Espagnols ont franchi la frontière : ils applaudiront Vicente Lopez-Carril. Les Belges encourageront Eddy Merckx et Michel Pollentier. Les Italiens, Wladimiro Panizza, et les Portugais, Joaquim Agostinho. Tout à coup, devant Merckx, devant Poupou, un virage à gauche extrêmement fermé, dinguement cambré. Craignant de se retrouver pendu, Merckx s’écarte, passe au large. Poulidor, lui, choisit la corde et, se riant des terribles pourcentages, attaque et se met à sprinter. Poupou, c’est fou ! Merckx, Lopez-Carril, Panizza, Van Neste, Agostinho : tous sont lâchés. Raymond qui appuie comme un cadet, a 38 balais. A cet âge-là, on a raccroché depuis longtemps, et l’on tient, comme Lucien Buisse, vainqueur du Tour en 1926, un estaminet à l’enseigne de l’Aubisque à Deinze, entre Courtrai et Gand, ou, comme Roger Pingeon, vainqueur de la Grande Boucle en 1967, un magasin de fleurs à Valenciennes.
38 ans ! Attaque du « quadragêneur », écrira Antoine Blondin. Les transistors époustouflés et les sonos en transe hurlent l’info : démarrage de Poulidor, démarrage de Poulidor ! Poupou a démarré sur son vélo violet de marque Mercier. Mercier : Saint-Etienne ! Les 130 pages du Catalogue de la Manufacture française d’armes et de cycles de Saint-Etienne à l’assaut du Pla d’Adet !
La France exulte et, sur le bord de la route du Pla d’Adet, des mecs et des meufs, la soixantaine bien sonnée, pleurent de joie:« J’en chiale, putain, j’en chiale, il a attaqué, Raymond ! ». C’est lui, c’est bien lui qui, échappé, passe devant elles, devant eux, la casquette légèrement penchée, la visière relevée. Ce mélange d’explosivité et de pépéritude, c’est lui, c’est bien lui. Raymond traverse le village de Soulan et, dans Soulan où sont les pentes les plus dures, relance et redevient La Pouliche. On l’avait surnommé La Pouliche quand il était amateur, quand, le 2 août 1956, disputant le Bol d’Or des Monédières cher à l’accordéoniste Jean Ségurel, il avait multiplié les démarrages dans le col de Lestards, faisant sauter Louison Bobet sous des tonnerres d’applaudissements. « Quel est donc ce coureur plus applaudi que moi que l’on appelle La Pouliche » avait demandé, fort agacé, Louison Bobet de Bourbon?
Plus que jamais Poupou, de nouveau La Pouliche, Raymond Poulidor continue d’avaler la pente. Ni Merckx, maillot jaune, ni Vicente Lopez-Carril, grimpeur de chez grimpeur, ne reviendront sur lui. Ils sont plus bas, ils sont plus lourds, ils subissent la pente. Raymond est seul, s’envole et vole : du pur Poupou, du grand Raymond.
Une borne encore. Là-bas, au sortir de la forêt, dominant le goudron et gonflée par le vent, la banderole sur laquelle piaffe le poulain d’une marque de chocolat. Raymond Poulidor ne fait qu’une bouchée des derniers hectomètres, et l’emporte, échappé, au sommet du Pla d’Adet. Il l’emporte au pays d’Isabelle Mir. Il l’emporte dans la vallée bleue, la vallée d’Aure, chez les ours, lesquels applaudissent les Géants du Tour depuis 1910.
Dans la nuit qui suit la victoire de Raymond Poulidor, des bombes explosent dans le village de Saint-Lary, des voitures de la caravane sont en feu. La police débarque, enquête. Sont-ce les militants révolutionnaires du GARI en lutte contre Franco ? Sont-ce les indépendantistes basques d’ETA ? Un journaliste demande à Poulidor son avis sur ces explosions. Et Raymond Poulidor de répondre : « Le seul explosif, ici, c’est moi ! ».
(Hommage à Poupou, Rap à Poupou lors du dévoilement de la statue)
(Le Figaro, mercredi 22 mai 2024)
Samedi 18 mai 2024
A Saint-Lary, lors du Printemps des poètes, nous avons donné au délicieux jardin sis près du moulin le nom de René Guy Cadou(1920-1951), « poète de l’émerveillement terrestre » comme l’ écrit Adeline Baldacchino. Celles et ceux qui, à Saint-Lary, traversent ce jardin peuvent lire des poèmes de René Guy Cadou, extraits notamment de son recueil « Hélène ou le règne végétal ». Quatre vers, juste quatre de Cadou chantant Hélène : « A la place du ciel/Je mettrai son visage/Les oiseaux ne seront/Même pas étonnés » Initialement paru en 1952, « Hélène ou le règne végétal » est de nouveau en librairie grâce aux Editions Gallimard qui le publient dans leur collection Poésie/Gallimard. Les mots de Cadou, si beaux, si hauts, pour 7,2 euros.
Samedi 11 mai
Aux dires de BFM, de LCI, du quotidien « Le Monde », de « Libération », du « Figaro », du « Parisien » et de tous les media, le Président chinois, Xi Jinping, et sa meuf, Xi Jinpong, se seraient posés à l’aéroport de Tarbes. Faux, fake, infox, divagation ! Il n’y a jamais eu d’aéroport à Tarbes. La presse locale – et c’est le plus surprenant – semble elle-même l’ignorer puisqu’elle affirme que l’avion du couple chinois aurait atterri sur le tarmac de l’aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées. Il n’y pas, je le redis, d’aéroport à Tarbes. Il n’ y a pas d’aéroport à Lourdes, non plus dans les Pyrénées. A Tarbes il y a des parachutistes, à Lourdes une grotte et, dans les Pyrénées, des stations de ski. Xi Jinping et Xi Jinpong se sont posés à l’aéroport d’Ossun, commune dans laquelle l’écrivain Paul Guth, fils de mécanicien, a vu le jour le 5 mars 1910. On aurait pu donner cette littéraire et bigourdane information à Xi Jinping et Xi Jinpong à leur descente d’avion.
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Moi, quand ça ne va pas, je regarde danser John Travolta.
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La paléontologue Pascal Picq, auteur de « La Marche. Sauver le nomade qui est en nous » (Editions Autrement) fait le constat suivant : nous vivons assis, otage de nos chaises, les yeux rivés sur l’écran de notre smartphone, loin du monde, de vrais zombies. Smarphone + zombie, ça donne : smombies. Nous sommes devenus des smombies, conclut-il
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Elle sait que les mouettes de la place San Marco « font leurs crâneuses » et manquent d’humilité » Elle sait « qu’elles tentent par tous les moyens de voler la vedette aux pigeons millénaires » Elle sait que les pigeons « gèrent la situation avec une distance toute ironique dans le regard ». Elle sait tout cela, c’est une poète. Elle s’appelle Judith Wiart. Elle a publié trois livres. Dans chacun d’eux règne le bref. Le livre dans les pages duquel les mouettes se la pètent à mort a pour titre « Les gens ne se rendent pas compte ». Il est publié par les Editions Le Clos Jouve, sises 4, rue Perrod à Lyon.
Samedi 4 mai
Les Haies
Au commencement étaient les haies, vertes, ébouriffées. Elle se croisaient et, quand elles se tamponnaient, riaient de toutes les bestioles qu’elles abritaient. Ils s’asseyaient à leur pied, s’adossaient à leur feuillage désordonné pour se reposer, souffler et fumer en regardant le ciel. Parfois ils s’allongeaient contre elles et dormaient un peu. Ils n’avaient pas de montre.
Le Syndicat vint et s’adressant à eux : « En vérité je vous le dis, les haies, c’est terminé. Arrachez-les, vous produirez, vous aurez la télé ». Le verbe produire leur était inconnu. Eux, ils disaient semer, récolter. Le Syndicat leur expliqua le sens du verbe produire : « Produire, c’est semer mieux, récolter davantage, gagner plus » Et pour semer mieux, récolter davantage et gagner plus il leur faudrait impérativement acheter un tracteur. Acheter un tracteur : mais avec quel argent ? L’argent : la BA s’en chargeait. La BA était là. La BA serait toujours là. Ils levèrent le doigt :
-C’est quoi, la BA ?
-La Banque des Agriculteurs.
-Mais nous ne sommes pas des agriculteurs, nous sommes des paysans !
-Avec un tracteur, vous devenez des agriculteurs. Agriculteurs, vous nourrirez le pays tout entier. Agriculteurs : vous serez respectés. Et, je vous le rappelle, vous aurez la télé.
Toutes les haies furent arrachées, et les chemins et les sentiers qui les longeaient furent supprimés. La terre fut ainsi démembrée, et des voies plus larges, susceptibles de recevoir les tracteurs et les remorques furent tracées. L’opération prit le nom de remembrement. Le bruit des engins mécaniques couvrit le hurlement des racines, les gémissements des hérissons, et les sanglots des escargots. Expulsé, jeté sur des couloirs mortels sans ornières ni pierres le petit peuple des haies erra, hébété, et mourut
Les haies disparurent et, avec elles, l’odeur du sureau et les fleurs blanches à cinq pétales des ronces. Les haies disparurent et, avec elles, le chant des grillons et les corolles des néfliers. Les haies disparurent et, avec elles, les fantaisies du liseron et la morsure des orties. Les haies disparurent et, avec elles, l’odeur du troène et les minuscules crochets du gaillet. Les haies disparurent, les tracteurs apparurent. On poussa les murs, on leur fit un hangar. Deux hangars. Trois hangars.
Les haies disparurent, les tracteurs apparurent, les télés brandirent leurs antennes sur tous les toits. Ils prêtèrent d’autant moins attention à la déroute des épines, des feuilles, des insectes et des oiseaux que la télé leur fourguait des images d’ arbustes exotiques, de prairies lointaines, et de cours d’eau d’ailleurs . Ce qui un temps les chagrina, c’est la perte des verts, des verts divers, des verts changeants qu’offraient les parcelles perdues, et que remplaçait désormais le vert unique et massif de la mer de maïs.
Il n’ y avait plus de paysage, il y avait le maïs. Ils produisaient mais insuffisamment selon le Syndicat, lequel les invita à acheter, à stocker des bidons. Des bidons géants. Des bidons géants contenant des produits pour booster la terre et doper le maïs. Pulvérisez, pulvérisez, encouragea le Syndicat. Ils pulvérisèrent et, sous le soleil et sous la pluie, les maïs croissaient et multipliaient. Ils pulvérisaient, pulvérisaient, et les vieux furent les premiers à trembler. A trembler de tous leurs membres, sans raison. Les vieux puis les adultes, puis les enfants. Tout le monde tremblait. Ils tremblaient en marchant, on aurait dit qu’ils dansaient. C’était La Danse Du Maïs. On vint du monde entier les filmer. Ils avaient des tracteurs, ils passaient à la télé : un monde parfait.
Samedi 30 mars 2024
Je me souviens de lui, je le revois entrant en classe un après-midi de septembre, avec son costume en velours à fines rayures vert pomme, « Le Monde » calé sous le bras, le cartable à la main, l’air abattu. Il s’installe à son bureau, ouvre ostensiblement le quotidien gothique du soir, soupire et nous fait part du motif de son écœurement: « Ils veulent fermer l’usine LU». Et de lâcher, avant de commencer son cours : « S’ils ferment LU, je ne vote plus ». Je pense à lui, je pense à ce professeur de géographie au moment où la radio m’annonce la fermeture de l’usine Belin-LU sise à Château-Thierry, dans le département de l’Aisne. Fermée ? Très exactement transférée pour les raisons que l’on devine en République tchèque. La France de LU est de trop. Les habitants de Château-Thierry ont du chagrin. Ils perdent leur boulot, leur beau boulot : ils faisaient les Pépitos. Depuis 1961. Remember la pub, le gamin qui mangeait un biscuit, les danseuses autour de lui : « Pépito mi corazon…Pépito, Pépito, aïe Pépito : dé Bélin !» A Château-Thierry, les ouvrières et les ouvriers de Belin perdent, en sus de leur boulot, leurs repères météo. Car Pépito, à Château-Thierry, c’est Laurent Romejko. Interrogé par un journaliste, une habitante explique : « Ici, quand ça sent le biscuit, c’est qu’il va pleuvoir ! ». A Château-Thierry, quand ça sent le biscuit, on respire, on s’en met plein la narine, on rentre chez soi, et l’on sirote un thé en grignotant des Pépitos tandis que la pluie colle ses gouttes au carreau. Un art de vivre. Un arôme de paradis à Château-Thierry, dans le département de l’Aisne. Mais l’art de vivre, le paradis, Château Thierry, le département de l’Aisne, Mondelez International, la multinationale américaine, propriétaire de Belin et de LU, n’en a rien à cirer. Qu’importe le pays, qu’importe les biscuits : seuls comptent les profits.
Samedi 9 mars 2024
TGV Inoui 8560, voiture 1, place 102, solo haut, bientôt Bordeaux. Dans la fenêtre, des palissades grises, l’arrière des maisons, une tondeuse à gazon dans sa cabane en bois, une machine à laver au rebut, puis des hangars lépreux, une camionnette désossée, des pylônes, des transformateurs, des tags, des graffs, la gare Saint-Jean, maintenant. 6 minutes d’arrêt. On repart. Les eaux boueuses de la Garonne, la vitesse, les semi remorques sur l’autoroute, des arbres, des bosquets, des haies et des prés qui s’enlacent, des chemins de terre, de sable, des tuiles, des pins, et que viennent, que viennent les éoliennes ! Les voici, hélices démesurées d’avions sans moteur, sans cockpit, sans fuselage ni empennage, qui barattent le vent et le duvet des brumes.
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Tôt. La Tour Montparnasse et, devant les bistrots, les camions qui livrent. Le café noir est serré, et la tasse, verte. Je suis à Paris pour mon « Fourbi ». La promo, disent-ils. Ce mot n’est pas le mien. Car je ne promeus ni ne promets : j’approche mes lèvres de la bonnette colorée des micros, et je parle, je dis, je conte. Je suis un conteur, un costaud de la luette, je sème des sons, des percussions, des images : je résiste. Parler, c’est résister.
Samedi 2 mars 2024
Dans la France de Gabriel Macron et d’Emmanuel Attal mieux vaut être membre de la FNSEA qu’écureuil. L’état s’incline devant la FNSEA et matraque les écureuils. On appelle écureuils les militants écologistes qui, sur le chantier de l’A69, à hauteur de la zad de la Crém’Arbre, à Saïx, s’installent dans les arbres pour empêcher que les forcenés du BTP ne les abattent. Grenades CM3, fumigènes MP7, MP3, grenades GM2L, LBD, grenades de désencerclement, les flics chargent et les secouristes soignent, dressent la liste des blessures: « Tir LBD épaule droite. Coup de matraque bras gauche. Éclat grenade de désencerclement tibia droit… » Et les élus locaux, départementaux et régionaux sont du côté, non des arbres, mais des grenades et des fumigènes. Le Président Georges Pompidou n’était pas comme eux : le sort des arbres, à une époque où le béton et le bitume coulaient à flots, le préoccupait. Il s’était indigné auprès de son premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, d’une circulaire établissant l’abattage « systématique » des arbres pour des raisons de sécurité : « La France n’est pas faite uniquement pour permettre aux Français de circuler en voiture, et quelle que soit l’importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage. La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes – et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes – est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde du milieu humain. » George Pompidou connaissait mieux la France et l’Occitanie que les décideurs sans livres ni fantaisies d’aujourd’hui.
Samedi 27 janvier 2024
Il parle, il parle et nous saoule alors que nous sommes en plein janvier de la sobriété, le « Dry January ». Pour ma part j’ai cessé de l’écouter, je continue de boire et me souviens de Pierre Desproges : « Je n’ai jamais bu à outrance, je ne sais pas où c’est. »
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L’association Mémoire & Partages aurait voulu que le quartier dit de La Négresse, à Biarritz, changeât de nom. Je ne suis pas partisan du déboulonnage de statues – laissons faire les pigeons ! -, non plus du dévissage de plaques. Mais je me souviens du poète Léopold Sédar Senghor, de son recueil « Hosties Noires »: « Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France ». La maire de Biarritz n’a pas lu Senghor et souhaite que le quartier en question conserve son nom. Un nom récent, au demeurant. Il a été baptisé de la sorte par le conseil municipal de Biarritz, le 22 octobre 1891. Avant cette date, il s’appelait Herausta. Un nom basque. Que veut dire Herausta ? Je l’ignore et m’en fous. Herausta sonne juste : y a Eros dedans.
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Les éditions Gallimard publient, dans leur collection « Poésie », « Ombre pour ombre » d’Annie Le Brun, haute meuf. Ce recueil, achetez-le, ouvrez-le et lisez : « Les pâles et fiévreux après-midi des villes, come les jeunes repasseuses, je vous prends dans la bouche. » Ce recueil, achetez-le, ouvrez-le et lisez : « Aisselle pâle des aubes immobiles ». Ce recueil, achetez-le, ouvrez-le et lisez : « Nous n’avons rien à perdre et tout à égarer ». Ô langue vivante, ô syllabes vertébrées, ô souples sagaies ! A l’heure où l’imagination est déclarée persona non grata, où les romans délavés pullulent, urgent lire Annie Le Brun, poète surréaliste ! Le surréalisme pour lequel ne comptait que la poésie, la liberté et l ’amour, brille de tous ses feux dans les tags qu’Annie Le Brun peint sur nos murs sales.
Christian Laborde
Samedi 23 décembre 2023
Je lis des livres, la presse, le courrier, et les murs. Car les murs, dont on dit qu’ils ont des oreilles, trimballent sur leurs dos des mots. Des mots sales parfois, et parfois des mots beaux, de vraies trouvailles, comme les mots déposés au pochoir par Miss Tic : « L’homme est un loup pour l’homme, et un relou pour la femme. »
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Romain Bardet que nous vîmes gagner le 13 juillet 2017 à Peyragudes, s’est confié au Dauphiné-Libéré : « J’ai été un bon coureur mais pas un champion. » Nous nous permettons de n’être pas d’accord avec lui.
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Noël déboule, juste après Halloween, fête orange et mauve, avec sorcières et lutins qui sonnent à votre porte pour avoir des bonbons. Si pas de bonbons, ils vous jettent un sort…Les râleurs diront que cette fête n’est pas « de chez nous ». Au pays de la java, du rap, de l’accordéon et de la tournée du patron, toutes les fêtes sont les bienvenues. A Ossun, à l’école maternelle Paul Guth, Halloween, fête celte et américaine, est devenue gasconne, une professeur ayant inventé le…lance-brouche. L’enfant s’approche de vous, braque sur vous son lance-brouche, l’actionne, et vous voilà transformé en crapaud, en têtard, en couleuvre, en rat, Un lance-brouche ! Voici qu’à l’heure des winners, du Big data, de Chat GPT et de la Silicon Valley, un mot gascon fait un retour fracassant dans les bouches : brouche ! Un mot gascon, langue de loustics à laquelle les agents de la CIA n’entravent que couic !
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Noël déboule, sapins décorés, jouets à leur pied, et bouchons qui sautent. Et je me souviens du mot fameux de Raoul Ponchon, poète, chroniqueur de presse, ami de Jean Richepin, de Verlaine et de José-Maria de Heredia : « Quand mon verre est vide, je le plains. Quand mon verre est plein, je le vide. »
Samedi 16 décembre 2023
Tous les politiques ont le même programme ainsi résumé : « faire bouger les lignes ». Tous sauf Willy Schraen, chef des chasseurs, qui monte sa liste pour les élections européennes. Pour cet homme d’ouverture(de la chasse), pas question que les lignes bougent. Toutes doivent au contraire se confondre jusqu’en n’en plus faire qu’une : la ligne de mire.
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Schraen et les tueurs de biches militent pour le respect des « traditions ». La corrida, par exemple. Les taureaux dans l’arène et, surtout, les femmes à la maison ! On se souvient des chasseurs de « Chasse Pêche Nature et Traditions » ( CPNT) défilant contre Dominique Voynet, ministre de l’Ecologie, aux cris de « Voynet, retourne à tes balais !».
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Claude Nougaro, sur France Inter, en 1976, à propos de Bach : « Toute la musique s’est posée sur le perchoir d’un seul homme. »
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Un poème par jour. Un poème qu’on lirait le matin en buvant son café, en marchant dans la rue, assis dans le bus, ou dans le train, ou sur un banc. Un poème par jour : il en faudrait 365. Où trouver 365 poèmes ? Dans « Debout dans les fleurs sales », le recueil de Thomas Vinau qui paraît aux Editions du Castor Astral. « 365 poèmes à déployer. », lit-on sur la couverture. Les poèmes de Vinau se déploient un par un sur la page et se logent tous dans nos cœurs. Quelle merveilleuse compagnie ! A commencer par celle de la pluie, avec « Il pleut », page 174 :
ll pleut sur l’été
sur l’eau de la piscine
et sur l’herbe brûlée
il pleut sur le jour
qui ne se lève pas
pendant que les poules
sèchent leurs pattes
sous la glycine
les tortues lèchent l’eau
sur les galets qui brillent
toutes les tuiles crépitent
toutes les feuilles pétillent
le dimanche en entier
refuse de commencer
il pleut et on se tait
du lit on entend tout
et on invente le reste
Samedi 25 novembre 2023
Hommage à Bernard Manciet, orchestré par Philippe Chauché, dans La Cause littéraire.
Samedi 25 novembre 2023
L’A69. Des centaines d’arbres abattus, des terres agricoles bétonnées, des zones humides saccagées. Un paysage balafré. Tout ça pourquoi ? Pour gagner 20 minutes. Mais qui veut, entre Toulouse et Castres, gagner 20 minutes ? Les instituteurs des villages que le béton menace? Les employés municipaux qui aident les enfants à traverser sur le passage clouté devant l’école ? Les boulangers ? Les épiciers ? Le curé ? La fille du coupeur de joints ? Le facteur ? Le paysan dont on prend la terre ? Nullement. Le XV de Castres a-t-il eu besoin d’une autoroute pour devenir Champion de France en 1949, 1950, 1993, 2013 et 2018? Nullement. Mais qui veut donc entre Toulouse et Castres, à l’heure où la planète n’en peut mais, rouler à 130 km/h et gagner 20 minutes ? Les hommes d’affaires, les winners, ceux qui ont, non un métier mais un job, autrement dit les jobards. Ils parlent de chiffres, de profits, d’investissements, et la liesse chez eux naît de l’accumulation des liasses. Ils parlent aussi des « territoires ». Un territoire, on le gère, on le quadrille, on l’exploite, on le surveille, on le couvre de ronds-points et de caméras. Nous, nous parlons d’un pays. Un pays, on l’habite. Et on le défend.
*
Chacun dans son couloir, chacun dans son réseau, et personne, dans l’air du soir, pour recueillir le dernier souffle des oiseaux.
*
J’ouvre « Poèmes pour enfants seuls » d’Etienne Paulin (Editions Gallimard) et tombe sur cette coquille de noix syllabique ayant jeté son ancre au beau milieu de la page grand-format :
vie d’avant
ronds dans l’eau
facéties
grand désordre
et le grain de ta peau
*
Déjeuner à Tarbes près de la halle Marcadieu. Nez dans sa caisse, la patronne me demande : combien de personnes ? Je lui réponds que je suis seul. Elle lève la tête, me regarde, esquisse un sourire et fredonne « Je suis seul ce soir » de Jean Sablon. Aux murs, des pubs louent les vertus du Lillet et celles du Tariquet.
Samedi 18 novembre 2023
Elles sont posées comme une selle de cheval sur l’échine des quais, les boîtes vertes. Derrière elles, alanguie comme un vers de Verlaine, la Seine. Devant elles, la tête ailleurs, ou les yeux tournés vers les trésors qu’elles renferment, les flâneurs. Tout est bien, tout est là, tout est lent depuis 450 ans. Mais tout doit disparaître : bouquinistes, dégagez ! Les boîtes vertes seront démontées et les flâneurs chassés : dégagez ! Place aux jeux, aux Jeux Olympiques, à la fête formatée, planétaire, à Coca-Cola, à Airbnb, Samsung, Deloitte et Toyota. Le flâneur qui regardait la Seine ou la lune, un livre serré contre son cœur, le flâneur sur lequel la Seine et la lune veillaient, doit vider les lieux, quitter le quai : dégagez ! Place à la foule selfiteuse qui assistera, compacte et surveillée, à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Le show tapageur terminé, la foule, groggy, encadrée par les algorithmes, escortée par les Flash-balleurs, survolée par les drones, se dispersera, et chacun rentrera chez son ordinateur. La Seine et la lune, demandent, en pleurs: où sont les boîtes vertes, où sont nos chers flâneurs ?
Samedi 11 novembre 2023
Les titres sont énigmatiques, somptueux : « Copyright Apero Mundy », « Dies olé Sparadrat Joey », « Garbo XW machine », « Parano-safari en ego-trip-transit », « Sweet amanite phalloïde queen », « Lorelei Sébasto Cha » . Et les paroles, les couplets, les refrains, écrits tantôt avec un stylo, tantôt avec une perceuse, le sont tout autant :
« Le blues a dégrafé nos cœurs de cannibales
Dans ce drame un peu triste où meurent tous les Shakespeare
Le rouge de nos viandes sur le noir sidéral
Le rouge de nos désirs sur l’envers de nos cuirs
& je te dis : reviens maintenant c’est mon tour
De t’offrir le voyage pour les Galapagos
& je te dis : reviens on s’en va mon amour
Recoller du soleil sur nos ailes d’albatros »
Je parle de quoi ? Des chansons d’Hubert-Félix Thiéfaine, chanteur « désespéré mais comique » dont les Editions Points accueillent les paroles dans leur collection « Poésie », sous le titre « Itinéraire d’un naufragé ». 475 pages, 14,50 euros. Et Thiéfaine a toute sa place dans cette collection. Car il est un poète. Comme Léo Ferré. Un poète électrique et velouté, cabossé et cracheur de feu, volcanique et mélancolique, familier du silence et de la solitude qui, dans l’entretien exclusif ouvrant le recueil, fait l’inventaire des chocs esthétiques qui le font tenir debout : Villon, Rimbaud, Céline, et les surréalistes « découverts lors du dernier cours de français de [son] année de terminale » : « Le prof a donné deux exemples pour faire rire la classe, mais moi ça m’a cloué, et j’ai foncé à la librairie en sortant. J’ai lu pratiquement tout Breton ». S’adonnant volontiers au « stupéfiant-image », nourri de rock, Thiéfaine continue d’affronter la page et les planches. 45 ans de carrière, 18 albums studio, 13 albums live, des concerts partout avec, devant lui, 50 000 personnes. Et ce livre qui nous tient compagnie, nous rapproche de lui, de son chant de noble naufragé.
Samedi 28 octobre 2023
Du temps de ma jeunesse folle, quand je semblais l’hirondelle qui vole, j’achetais L’Express pour lire la chronique littéraire d’Angelo Rinaldi. Aujourd’hui, j’achète Le Figaro magazine pour dévorer celle de Frédéric Beigbeder. Passant de la chronique au dico, Beigbeder publie, chez Plon, un « Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui ». Dico-dico par ci, dico-dico par là, le dico de Beigbeder est épatant : j’y suis dedans ! Les 281 écrivains retenus sont tous vivants. Celles et ceux qui, à l’instar de Christian Bobin ou de Linda Lê ont eu l’idée saugrenue de mourir pendant que Beigbeder sculptait leur portrait, ne figurent pas dans son book bondissant. Rassurons-nous: les médecins légistes de la littérature qui officient en Sorbonne se penchent déjà sur leur corps et sur leur cas. Donc, que des vivants, classés comme il se doit par ordre alphabétique, avec, imprimé à la gauche de leur nom, le logo de la catégorie, de l’école ou du mouvement littéraire auxquels, selon Beigbeder, ils appartiennent : « Les écrivains pour écrivains », « Les glauquistes apocalyptiques », « Les réac ronchons », « Les américanisés », « Les transfuges du polar », « Les néo-hussards »… On se balade dans ce jardin extraordinaire, on flâne, on s’arrête, on change de chemin. Parfois on revient sur ses pas pour relire, par exemple, page 483, l’émouvant portrait de Nicolas Rey, né le 8 mai 1973 à Evreux, à qui l’on doit des romans brefs et des sagaies sublimes : « La vie m’est passé dessus comme un semi-remorque ». Et Beigbeder d’écrire : « Lire Rey, c’est comme regarder le Titanic couler : il devrait faire autant d’entrées que James Cameron. » Si ce dico vole, c’est parce qu’il a pour moteur, non les avis de Beigbeder, mais ses envies. Toutes ses envies. Ouvrez-le, vous voyagerez.
Samedi 21 octobre 2023
Le philosophe et enfant de la ville Jean-Claude Michéa, auteur d’ « Orwell, anarchiste tory »(Climats, 1995) ou encore de « La Gauche et le peuple : lettres croisées » ( avec Jacques Juillard, Flammarion, 2014), vit, depuis 7 ans, dans un petit village des Landes, pays des deux Bernard : Lubat et Manciet. Dans son village, « à 10 kilomètres du premier commerce et à 20 kilomètres du premier feu rouge », Michéa, abonné à la revue radicale gasconne « Lendemains », bêche, jardine, refait les canalisations, se hissant ainsi du statut de philosophe à celui d’intellectruelle. Fort de son expérience landaise, de sa fréquentation de villageois dont certains ont vu jouer les Boniface, il signe aujourd’hui, chez Albin Michel, « Extension du domaine du capital », charge contre la férocité et la voracité du système capitaliste. Lequel, rappelle Michéa, n’est pas « conservateur » : il ne conserve rien et détruit tout, tout ce qui, dans nos vies, nos habitudes, nos coutumes, ralentit sa course au profit. Il s’en prend à chacun de nous, installe le vide en chacun de nous, et détruit la nature. Michéa, qui s’est sorti des griffes de la mégapole, se fait le chantre du terroir, d’un art de vivre que la bourgeoisie de droite, la bourgeoise de gauche et la bourgeoisie verte méprisent. Il prend ainsi la défense des traditions locales, à commencer par la corrida. Michéa est d’autant plus favorable à la corrida que le végano-tristounet-insoumis Aymeric Caron est contre. Hé, Michéa, moi qui ne suis pas Caron mais gascon, je combats aussi la corrida ! Je la combats comme la combattent Walter Spanghero et Jean-Pierre Rives, avec notre viande, avec notre cœur, avec nos crampons, avec nos ballons, avec tout le Sud que nous trimballons. Nous la combattons parce que nous avons lu Louise Michel et Colette. Hé, Michéa, nous aimons les hommes et nous aimons les bêtes. Hé, Michéa, la corrida : basta ! « Extension du domaine du capital » de Jean-Claude Michéa compte 267 pages et coûte 20,90 euros.
Samedi 14 octobre 2023
En ces temps automnaux où il n’est question que des romans et des prix qui leur seront remis, les Editions Héliopoles, n’en faisant qu’à leur fête, publie un… recueil de nouvelles. J’applaudis, lance la ola depuis mon canapé. Ma joie est d’autant plus énorme que les nouvelles sont signées Philippe Lacoche, maitre du genre. Le recueil de Lacoche compte 168 pages et coûte 17 euros. Il a pour titre « Oh les filles ! ».Le clin d’œil au tube du groupe « Au bonheur des dames » n’échappera pas aux lecteurs cultivés. Que croise-t-on dans les nouvelles de Lacoche ? Des femmes. Prunelle, par exemple, la femme du boulanger, dont la nuque sent « tantôt le pain, tantôt la farine fraîche, tantôt l’âcre fumée du fournil », et dont le cul se pose un peu là. Ce cul, ce cul, répète le narrateur, façon Jean-Pierre Marielle s’extasiant, dans « Les Galettes de Pont-Aven », devant celui d’Angela. Les femmes, toutes les femmes, sont chez elles chez Lacoche. Lacoche zoome sur leur corps, lequel fait ce qu’il veut. Lacoche, c’est un style, une phrase fluide, une absence totale de gras, et des trouvailles qui font mouche. Luc, le mari de la très tyrannique Agathe, a une voix « faible, lointaine, douce comme le ventre d’une couleuvre morte ». Une question : la pluie, cette pluie que l’on croise souvent dans les livres de Philippe Lacoche, est-elle au rendez-vous dans « Oh, les filles »? Oui ! Elle déboule dès la première nouvelle : « Il tombait une pluie grasse et noire comme du pétrole brut ». Il y a toujours, chez Lacoche, un orchestre qui joue « Nights in white satin » des Moody blues au bal du coin. Dans « Oh, les filles ! », « Life on mars ? » de David Bowie tourne en boucle sur un Teppaz. Et ces notes sont le seul vêtement que porte Djamila. Lacoche est en librairie : courez-y!
Samedi 7 octobre 2023
Lourdeur partout, tout autour de nous. En nous aussi. Et voici que Pomme, accompagnée par Waxx à la guitare, reprend « Laissez-moi danser » de Dalida. Tout est léger de nouveau, tout est menthe à l’eau.
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Les paysages, nous les habitions. Les territoires, nous les quadrillons.
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Galopant ventre à terre et chainette au vent sur le parking d’Auchan, quelle est donc, ventre Saint Gris, cette cavalerie qui charge sans vergogne sous le soleil qui cogne ? Ce sont, jarny, les caddys de Gascogne !
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-Je pensais que vous étiez progressiste, et l’on me dit que vous seriez conservateur ! M’aurait-on menti ?
-Pas du tout. On vous a dit l’exacte vérité : je suis conservateur. Vachement conservateur !
-Vachement, comment ça vachement ? Vous voulez dire ultra-conservateur.
-Nullement, je n’ai rien à voir avec l’Amérique, moi ! Enfin rien à voir avec cette Amérique-là. Je n’appartiens pas à la secte des pro-life et du port d’arme pour tous.
-Vous me rassurez. Mais alors que voulez vous dire par « vachement conservateur » ?
-Je veux dire que je veux tout conserver : les nuages et les glaciers, les araignées, l’ardoise et les graminées, les rivières et les mâchicoulis, les zèbres et les colibris, les pies et leur jacterie, la jonquille et les éléphants, les lichens et le merle blanc, le coquelicot et l’ouragan, le clocher et les fougères, les lacs et les chatières, les grottes et les clairières, les chats et les coccinelles, le lierre et les ombelles, le gymkhana des sauterelles, les libellules et l’aubépin, les anges et les diablotins, Sainte-Nitouche et Saint-Glinglin. Tout, absolument tout.
-Si je comprends bien, si je vous suis, nous allons devoir changer complément notre mode de vie !
-Absolument ! Pour conserver, il faut une révolution.
Samedi 30 septembre 2023
Rugby : Le Robert aussi. La vénérable maison dont les dicos – «dico-dico par ci, dico-dico par là ! – nous tiennent compagnie, se penche à son tour sur le « ballon à deux bouts » cher à Antoine Blondin. L’ ouvrage qui compte 315 pages et coûte 18,90 euros, a pour titre « Au Cœur de l’ovalie. » Et c’est bien au cœur de l’ovalie que ce book nous propulse à chaque anecdote rapportée, à chaque témoignage recueilli, à chaque expression analysée. C’est clair et net. On ouvre le livre où bon nous semble, et l’on est sûr de croiser Spanghero, Rives, Dussotoir…Quand on regarde un match à la télé, on entend souvent parler de la « charnière », ce duo de joueurs, le 9 et le10. Kézako, la « charnière » ? Dans le « gros plan » fait sur ce mot, Arnaud Richard linguiste, part de la définition de « charnière » dans le dictionnaire, interroge ensuite les mots anglais – « scrum half », et « fly half » -, avant d énumérer quelques charnières fameuses : Berbizier & Mesnel, Ellisalde & Michalak, Dupont & Ntamack. On croise également dans cet ouvrage, dans les pages consacrées au fameux « Haka », une charnière que l’on ne trouve pas ailleurs : Vincent Clerc &Médéric Gasquet-Cyrus. Le premier nous raconte ce qu’un jeune rugbyman ressent face aux All-blacks interprétant le « haka ». Le second, qui est linguiste, nous apprend que « haka » signifie « danse » en maori, langue parlée par moins 200 000 locuteurs. Et connue dans le monde entier grâce à Richie McCaw et ses puissants guerriers. « Ka mate, ka mate, ka ora, ka ora… » : tout le monde de trembler sauf Jean-Pierre Garuet.
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La pluie n’est pas le mauvais temps mais un chant. Le mauvais temps, c’est quand le facteur ne glisse dans la boîte aux lettres que des factures
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Ma météo préférée me manque, le matin. Ma météo préférée, c’était la météo marine, la voix d’Annette Pavy et ses mots merveilleux: « Avis de grand frais d’Ouest à Nord-ouest imminent pour Viking, Forties et Cromarty… vents d’Ouest à Nord-Ouest qui s’égarent, 5 à 7 mollissant, du côté de Forth, Tyne et Dogger… » Des mots pour oublier les embouteillages.
Samedi 16 septembre 2023
C’est la rentrée, les Ecologistes ont fait la leur et restent ce qu’ils sont : de piteux petits pitres. Leur nom déjà : EE-LV. Ca se prononce « Eu-eu-leu-veu ». On croirait l’antique tube de Bézu, « A la queue leu-leu » : « Tout l’monde s’éclate à Eu-eu-leu-veu , tout l’mond se marre à Eu-eu-leu-veu. ». Les jeunes n’écoutent pas Bézu. D’autres mots, d’autres tempos les nourrissent C’est sans doute pour cette raison que, désireux de défendre les bêtes, les paysages et les glaciers qui fondent, ils rejoignent, non Eu-eu-leu-veu , mais des associations, des organisations qui ont une seule priorité : la lutte.
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A l’occasion de la coupe du monde de rugby, les Editions de la Table ronde publient, en poche, « Ces messieurs du rugby », anthologie. Le rugby par notamment les deux Denis –Lalanne et Tillinac -, et bien sûr par Antoine Blondin, lequel écrit : « Il convient que les grands sautent, les petits s’infiltrent, les lourds enfoncent, les légers s’évadent et, s’il faut de tout pour faire un monde, sur la prairie il faut du monde pour faire un tout. » Cette anthologie compte 300 pages et coûte 8 euros.
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Lenny Martinez, de l’équipe Groupama FDJ , brille sur le Tour d’Espagne. Il est le petit-fils de Mariano Martinez, grimpeur des années 70, vainqueur au sommet du Pla d’Adet en 1978, et meilleur grimpeur du Tour cette année-là. Mariano Martinez que nous applaudîmes chaleureusement dans les cols des Pyrénées était un des rares coureurs à porter des lunettes. Avant lui, Jean Robic et Jan Janssen. Après lui, Jan Raas et Laurent Fignon. Rien que du très bon. Quand Mariano courait, quand il portait le maillot Mercier, j’étais moi-aussi affublé de lunettes aux verres épais et, dans le Tourmalet, sur mon vélo blanc, un Peugeot, je me prenais volontiers pour lui. Du coup, je souffrais bien moins entre les pare-avalanches, juste avant la Mongie.
Samedi 8 juillet 2023
Duel sur le volcan
Tout à coup, le dimanche 12 juillet 1964, sur la route du Tour, devant les yeux de Jacques et la casquette de Raymond, 400 millions de mètres cubes de domite : le volcan.
Jacques, c’est Anquetil, patronyme viking. As-Ketill : chaudron des Dieux. Blonde la mèche de ce fils d’Odin dont le vélo se mue en drakkar, et tout est fin et tout est flots. Poulidor ! Y a poule dans Poulidor, la poule de la basse-cour et celle des chansons popu, « Viens Poupoule ! ». Y a poulie dans Poulidor, la poulie, la margelle du puits, le cri rouillé de la poulie au-dessus de la margelle du puits. Tout ça, c’est de l’or, c’est l’or de Poulidor.
Les voici au pied du puy de Dôme, la barrière est levée: que le duel commence ! Jacques est en jaune, Raymond en violet. Jacques n’a que 56’ d’avance au classement général sur Raymond. Jacques cherche des yeux le sommet où trônait jadis un temple de Minerve. Il ne voit pas le sommet, seulement la route qui s’enroule autour du volcan comme un boa autour du cou de Zizi Jeanmaire. La route est saturée de lumière. Les pare-brises, les chromes, les laques des caisses alignées le long de la pente lancent des éclats de feu. Ils sont venus, ils sont tous là, avec leurs chapeaux de fortune et leurs gosiers. Ces milliers de gargoines venus d’Aigueperse, de Billom, de Chas, de Saint-Jacques-d’Ambur, des 464 communes du Puy- de-Dôme, hurlent un seul et même nom : celui de Raymond. Jacques escaladera les 14 bornes sans jamais entendre le moindre « Vas-y Anquetil ».
Sur la pente coriace, deux grimpeurs espagnols encadrent Jacques et Raymond, imposent un tempo d’enfer : Federico Bahamontes, l’Aigle de Tolède, et Julio Jimenez, enfant d’Avila, comme Thérèse. Thérèse se soucie de l’éternité, et Julio, des écarts dans les cols.
Julio attaque. Sèchement. Anquetil qui, selon le mot de son directeur sportif, Raphael Geminiani, est « une machine IBM, un réacteur et un alambic » ne bouge pas. La machine IBM a déjà tout analysé. Pourquoi aller chercher un coureur dont le retard avoisine les 11 minutes au classement général ? Surtout, répondre au démarrage d’un pur grimpeur, c’est risquer l’asphyxie, la défaillance. A qui profiterait-elle, cette défaillance ? A Poulidor ! Que Jimenez s’en aille ! Qu’il remporte l’étape, et la minute de bonification allouée au vainqueur échappera à Poulidor ! Donc ne pas bouger, ne surveiller que Poulidor. A lui d’attaquer, d’effacer les 56 secondes qui le séparent du maillot jaune.
Le démarrage de Raymond que tant Jacques redoute, tout le monde l’attend : les gens agglutinés le long de la route sous le soleil brutal, et ceux qui, dans l’ombre des cuisines où s’étire la toile cirée, écoutent à la radio la retransmission du duel volcanique.
Une nouvelle attaque tout à coup ! Elle n’est pas de Raymond mais de Federico. Prends la roue de Fédé, Raymond, et fais enfin sauter la machine IBM, le réacteur et l’alambic ! Raymond ne bronche pas, Federico s’en va.
Jacques et Raymond sont seuls désormais à 4 bornes du sommet. Jacques tête nue, Raymond coiffé de sa casquette Mercier. Jacques monte côté ravin, Raymond côte rocher. Côté ravin, le drakkar des Vikings, familier des tempêtes. Côté rocher, la charrue ailée qui se joue des chaussées. Le guidon de Jacques frôle le guidon de Raymond. L’épaule de Raymond effleure l’épaule de Jacques. Ils montent, soudés l’un à l’autre, comme si le vent était un joug.
A 900 mètres du sommet, le drakkar prend l’eau et Jacques, écopant, regarde la charrue ailée s’en aller.
Raymond a lâché Jacques. Raymond franchit la ligne d’arrivée, ovationné par tous les gosiers, acclamé par tous les transistors. On attend Jacques : le voici. Geminiani fonce sur lui: « Jacques tu sauves le maillot pour 14 secondes ! » C’est 13 de trop, répond le blond guerrier, avant de visser à ses lèvres le goulot d’un Perrier.
Le mercredi 18 novembre 1987, rongé par un cancer, quelques instants avant de mourir, rassemblant ses dernières forces, Jacques téléphone à Raymond : « Raymond, je monte un puy de Dôme tous les jours…Raymond, je pars : désolé, cette fois encore tu seras second. »
(Le Figaro Magazine, 7 juillet 2023)
Samedi 17 juin 2023S
A chaque époque ses tics. Ses tics langagiers. Tendez l’oreille, et vous entendrez trois ponctuations revenir sans cesse dans les conversations en terrasse autour des verres, ou lors des échanges importants sur les plateaux télé : « clairement », « voilà » et « au fond ». Si vous peinez à vous endormir, comptez, non plus les moutons, mais les « au fond ».
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Réchauffement climatique, nature bousillée, paysages massacrés : agissez, que diable, agissez! Après moi le déluge, ricane le Marché.
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Qui sommes-nous ? A cette question, les excellentes éditions Tallandier répondent en publiant, dans leur collection de poche Texto, « Histoire de France à pleines dents », livre que signent Stéphane Hénaut, fromager, et son épouse anglaise Jeni Mitchell, professeure au King’s Collège de Londres. Nous sommes le peuple qui a inventé le tonneau, et réglé ainsi la question capitale de la conservation du vin. Grâce à nous, Gaulois, le vin cessait de piquer, de s’altérer. Grace à nous, Gaulois, il n’était plus nécessaire, pour masquer l’acidité d’un breuvage condamné à « tourner », de le mêler de miel et d’épices comme faisaient les Romains. Qui sommes-nous ? Nous sommes le peuple qui a sauvé le vin et, pour cette raison, nous méritons bien le siège permanent qui est le nôtre au conseil de sécurité de l’ONU aux côtés des Etats-Unis lesquels, notons-le, n’ont inventé que le Coca. Qui sommes-nous ? Stéphane Hénaut et Jeni Mitchell apportent d’autre réponses, toutes venues de la table, dans ce livre succulent qui compte 426 pages et coûte 11 euros.
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Je lis « La descente de l’Escaut », somptueux poème de Franck Venaille, et croise un « soleil, blanc, comme une hostie sale ». Et me voici aussitôt débarrassé, libéré par la fulgurance d’une image de la « prose inoffensive » – le mot est de Jacques Roubaud, – qui, aujourd’hui tout particulièrement, nous encercle, nous occupe, nous colonise.
Samedi 10 juin 2023
Toujours les Préfets paniquent à l’arrivée des caravanes. Des caravanes, il en vint beaucoup en Bigorre – 150 très exactement, des évangélistes – le week-end dernier. L’ordre public ne saurait être troublé : où donc les faire stationner, s’interrogea le préfet. Les solutions ne manquaient pas. Le Préfet des Hautes-Pyrénées aurait pu autoriser quelques caravanes à stationner aux abords de la préfecture : la cathédrale est juste à côté, les évangélistes auraient prié, chanté et réveillé les grenouilles de bénitier. Il aurait pu en loger d’autres au stade Maurice Trélut : on ne joue plus au rugby sur cette pelouse depuis que Philippe Dintrans a raccroché les crampons. Le Préfet aurait pu caser les dernières dans l’enceinte du stade Antoine Béguère, à Lourdes où le rugby ne fait plus d’apparitions depuis la mort de Michel Crauste. Ces possibilités, le préfet les écarta d’un revers de casquette, et dirigea le flot entier des caravanes vers les installations sportives de la modeste commune d’Ossun, en omettant de prévenir le maire. Le maire lui aurait dit que les caravanes ne pouvaient occuper les installations sportives de sa commune, un tournoi sportif et associatif au profit des enfants atteints de handicap « Rugby Partage » devant s’y dérouler. Le tournoi fut annulé. Les enfants en situation de handicap furent privés de fête, de spectacles, de joie, ce qui constitue un trouble majeur à l’ordre public.
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Roland Garros battant son plein, il n’est question que de « pression ». Celle que les joueurs subissent. Je me souviens du pilote de F1 Nelson Piquet, quelques instants avant le départ d’un grand Prix. Il est assis, attend. Il se lève. Au moment où il saisit son casque, un micro se colle sous son pif. Le journaliste lui demande s’il n’a pas trop la « pression ». Réponse de Nelson Piquet : « La pression, monsieur, je la mets dans les pneus. »
Samedi 3 juin 2023
De l’américaine Lee Miller, artiste, photographe, maitresse de Man Ray, ami de Paul Eluard et de Jean Cocteau, reporter de guerre – elle suit la 83e division américaine des plages de Normandie jusqu’en Allemagne -, femme libre, féministe, ce mot: « Je préférerais prendre une photo que d’en être une. »
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« Je vis et j’écris…Penser : non ! C’est mon corps qui pense. » Colette
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Probablement un accident. Une de ces trottinettes qui filent sur les trottoirs à la vitesse d’un missile, l’aura percuté de plein fouet alors qu’il sortait de chez lui, l’aura projeté au sol, son front aura heurté le béton. Sinon comment expliquer qu’il soit tout à coup passé de la sagaie cruelle et ciselée – « François Hollande : capitaine de pédalo par temps de tempête. » – à la parole sans profondeur: « A bas la mauvaise République ! ». Il faut interdire les trottinettes.
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Le problème n’est pas tant la Constitution de la 5ème République que l’usage que tous en font.
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Le prénom Mauricette n’a pas le vent en poupe. On ne le croise que dans « Gaby oh Gaby » d’Alain Bashung – « Gaby, j’t’ai déjà dit qu’t’es bien plus belle que Mauricette/ Qu’est belle comme un pétard qu’attend plus qu’une allumette » – et dans « Les Ombres des Mohicans », le nouveau roman de Philippe Lacoche. Dans ce roman qui paraît aux Editions du Rocher, compte 192 pages et coûte 18 euros, on fait donc la connaissance d’une certaine Mauricette. Et si l’on ne croise pas, à ses côtés, Alain Bashung, on écoute Procol Harum, groupe de rock des années 70. Quant au héros, il se prénomme Brian, comme Brian Jones, et roule sur une mobylette bleue, la Motobécane AV88. Comme la mob de Brian, le roman de Lacoche a un excellent moteur. Le voici en effet sélectionné pour le Prix Renaudot, et le Prix Denis Tillinac.
Samedi 27 mai 2023
Economiser l’eau : oui bien sûr, je m’y emploie. Pas question pour autant d’adopter les toilettes sèches. Chier dans la sciure : très peu pour moi ! Vive la chasse, vive Harpic Fraicheur Océane!
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Les Précieuses, au XVIIème siècle, appelaient le fauteuil « commodités de la conversation », et la main, « la belle mouvante ». Le Préfet de l’Hérault nomme, lui, « dispositif sonore portable » la casserole dont il interdit l’usage dans les rues de son département au passage du Président. Les Précieuses étaient ridicules, le pouvoir macroniste l’est aussi.
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Tonga : archipel de Polynésie dont les habitants passent leurs journées en tongs.
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Présent dans le Petit Robert, pas encore dans le Larousse, le substantif tofuf désigne le sexe de la végane
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Le maire de Marseille annonce son intention d’interdire aux automobilistes de garer leurs voitures à cheval sur la chaussée et le trottoir, « stationnement » qui était jusqu’alors… toléré. Réponse d’un Marseillais : « C’est arbitraire, c’est le 49.3 de Marseille »
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« Si l’on ne suit pas la feuille de route fixée par la première ministre, on risque de se faire challenger », indique un ministre à la radio. Il n’a pas dit « rouspéter» ou, mieux, « engueuler » mais « challenger ». Il aura préféré à la langue vivante de la rue, des ateliers, des bistrots, de Georges Pompidou – « Cessez d’emmerder les Français ! » – et des tribunes de nos stades, le baragouin des managers, le patois sans relief ni couleur du monde de l’entreprise, le merdoiement des décideurs.
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Avec son intention de limiter la vitesse à 80km/h et de créer une taxe carbone, Edouard Philippe, Premier ministre, avait mis les Français dans la rue, provoqué la colère des Gilets jaunes. Il songe désormais à la Présidentielle. On pourrait croire qu’avec un tel passif, il aurait du… sourcil à se faire. Que nenni : il est en tête des sondages !
Dimanche 21 mai 2013
Catherine D. et Claude N.
Samedi 20 mai 2023
Il est souvent question, ici, de l’Homme de Picardie. Je nomme ainsi l’écrivain Philippe Lacoche dont les romans, les nouvelles, les chansons, les essais, les chroniques me tiennent compagnie, m’enchantent, m’aident à tenir. Originaire de Picardie, natif de Chauny, élevé à Tergnier, patelin pas plus grand qu’une chiure de mouche sur la toile cirée de nos cuisines paysannes et ouvrières, Philippe Lacoche revient en librairie avec « Je suis Picard mais je me soigne », ouvrage paraissant aux Editions Héliopoles. 197 pages, 12 euros. Comment se soigne-t-il donc, ce Picard de Lacoche ? Avec du champagne du Sud de l’Aisne, de la bière brassée en Picardie, et les romans de Roger Vailland, natif d’Acy-en-Multien, dans L’Oise. De la Picardie, Lacoche aime la terre « brune » comme la peau d’une Andalouse, le ciel « poivre et sel », les brises qui, le soir « colportent les rumeurs salées pas si lointaines de la Manche, de notre baie de Somme toujours sauvage, les brumes houblonnées du Nord, les songes altiers des Ardennes rimbaldiennes, les rêves pétillants des coteaux champenois, et les mélodies nervaliennes, veuves et inconsolées du Valois si français. » Quel travelling, quel amour d’une terre où les poètes jouent avec le vent ! Si la terre, en Picardie, a une couleur andalouse, les femmes de Picardie font, elles, penser à celles d’Occitanie. De sacrées meufs ! Ce sont des femmes qui actionnant une catapulte, dégomment l’abominable Simon de Montfort lors du siège de Toulouse. C’est une femme, Jeanne Laisné, dite Jeanne Hachette, qui, lors du siège de Beauvais, découpe à la hache un soldat de Charles Le Téméraire. La Picardie a toujours résisté, hier aux envahisseurs, aujourd’hui aux technocrates qui s’appliquent à la défigurer. Face à ces barbares, Lacoche. Lacoche qui défouraille ! Nous lisons et nous applaudissons.
Samedi 13 mai 2023
Au commencement était la carte de Cassini. Lui succéda la carte d’Etat Major, puis vint la merveilleuse carte Michelin. Autrement dit, jarni, au commencement, en nos délicieuses contrées, tout était cartes à jouer : le paradis. Un paradis que saccagent les hordes rectangulaires de cartes réglementaires, en papier, en carton, en chlorure de polyvinyle. Elles s’emparent, corniguedouille, de nos fouilles, de nos larfeuilles : la carte d’identité, la carte vitale, la carte bancaire, la carte de crédit, la carte grise, la carte d’électeur, la carte de vœux, la carte jeune, la carte d’étudiant, la carte de fidélité, la carte d’abonné, je vous laisse ma carte, la carte sénior. A ces cartes qui s’empilent, à ces piles qui nous pillent, s’ajoutent désormais, arrivant de Chine, naadine, ou de Taiwan, diu vivant, la carte mère, la carte réseau, la carte SD , la carte Sim, la carte micro Sim, la carte nano Sim, la carte eSim, Sim-phonie en flic majeur. Le temps de les compter, le temps de les classer, le temps de les perdre et de les chercher, de les passer au fer à repasser, de les glisser jusqu’au clic dans le terminal de paiement électronique, il est trop tard : déjà se radine, blême bobine, haleine rance, la carte de condoléances.
(Chronique Percolateur, La Nouvelle République des Pyrénées)
Samedi 22 avril 2023
L’A 69 n’est pas érotique.
Pourquoi une autoroute entre Toulouse et Castres ? Pour gagner, selon les calculs du préfet, des zélus et de ChatGPT, 35 minutes. Mais qui, entre Castres et Toulouse souhaite gagner 35 minutes ? Pas les maires, pas les boulangers, pas les charpentiers, pas les pêcheurs à la ligne, pas les curés, pas les syndicalistes, pas les grévistes, pas les instituteurs, pas les écoliers, pas les joueurs de rugby, pas les cyclotouristes des communes impactées par le tracé, pas les oiseaux nichant dans les arbres qui seront abattus, pas les paysans privés de leurs terres, pas la terre, pas l’autan qui supplie : « Des moissons pas du béton ! » Alors qui, entre Castres et Toulouse, souhaite gagner 35 minutes ? Les speedés, les winners, les saute-ruisseaux des marchés, les dingos du cash, les haussiers dont la liesse naît de l’accumulation des liasses, les ravis du business qui entendent rouler pied au plancher, comme si l’air n’était pas pollué, comme si le « cher et vieux pays », pris dans l’étau des gaz à effet de serre, n’étouffait pas.
Où sommes-nous, entre Castres et Toulouse ? Nous sommes en Occitanie, dans le département du Tarn notamment. Le département doit son nom à la rivière qui le traverse et l’invite à prendre son temps, à ne pas se presser. Et personne jamais ne s’est pressé dans le Tarn, à l’exception notoire de Laurent Jalabert qui passait comme une sagaie. La préfecture du Tarn est Albi, et Albi où la beauté est chez elle, se souvient de cet élève qui fréquenta son lycée, du cours moyen 1ere année à la Terminale, et qui, lecteur de Paul Eluard, signera, une Anthologie de la poésie française : un certain Georges Pompidou. C’est la France des rivières, de Laurent Jalabert et de Georges Pompidou que le projet autoroutier Castres-Toulouse assassine.
Une autoroute pour, disent-ils, « désenclaver Castres ». Désenclaver ! Le verbe date du siècle dernier, renvoie à la frénésie qui caractérisait ces temps reculés. Tout devrait être relié, tout – hommes et objets -, devait circuler sans jamais s’arrêter. A l’heure du pas de côté et des circuits courts, à l’heure où chacun aspire à travailler près de chez lui, à l’heure où l’on songe à relocaliser l’économie, à l’heure où la nature morfle, à l’heure où les piafs pleurent, ce projet venu du passé n’a aucun sens. Il fait fi des SOS que la terre essoufflée envoie. Il tourne le dos à l’art de vivre occitan et s’assied sur les luttes qui sont les nôtres. Nous ne démontons pas les McDo pour voir fleurir les restauroutes. Nous n’avons pas sauvé les terres du Larzac pour assister au saccage de celles du Tarn.
Il n’y a pas que des hommes d’affaires conduisant des 4×4 climatisés dans le Tarn et le Tarn et Garonne : il y a aussi des paysans qui travaillent la terre, élèvent des bêtes, connaissent les noms occitans des vents et ceux des coccinelles. 155 d’entre eux s’opposent à ce projet d’autoroute qui s’emparera des parcelles les plus fertiles. Ces paysans-là, la FNSEA ne les soutient pas : elle regarde ailleurs. La FNSEA a les yeux tournés vers la Chine. Les représentants de la filière porcine accompagnaient le Président Macron lors de son déplacement à Pékin. Là-bas est le marché, là-bas sont les consommateurs. Le FNSEA ne veut plus de petits paysans sur leurs parcelles, mais des agroboss à la tête de porcheries industrielles. Des porcheries polluantes, puantes, cruelles pour les animaux incarcérés entre leurs murs sans fenêtres, dont la production partira en Chine. Sans doute verra-t-on, dans un futur proche, ces porcheries industrielles, polluantes, puantes et cruelles, fleurir le long de l’autoroute A 69.
Il y a la terre, les paysans, il y a les bêtes, et il y a l’eau. Parlons-en de l’eau ! A l’heure où les nappes phréatiques se vident, à l’heure où la sécheresse et les incendies frappent ce pays, des milliers de m3 d’eau seront engloutis dans la construction de cette autoroute et de ses remblais.
Il y a la terre, les paysans, il y a les bêtes, il y a l’eau, et il y a les platanes. Les platanes, ceux de Vendine par exemple, platanes centenaires dans lesquels nichent tant d’oiseaux, seront abattus. Veut-on une France sans platanes, une France sans « le sérieux bienveillant des platanes » cher à Jean-Claude Pirotte, poète toujours en cavale ? Ces platanes, les grimpeurs et les grimpeuses du Groupe National de Surveillance des arbres, tentent de les sauver. Ils les escaladent, s’installent dans des cabanes de fortune construites entre leurs branches, empêchant ainsi les tronçonneurs du Capital d’accomplir leurs méfaits. La meilleure façon de sauver les arbres et les oiseaux, c’est encore de devenir soi-même un arbre, un oiseau.
Devenir un arbre, un platane et, le long d’une route nationale, regarder passer les gens dans leur SUV, en se souvenant des décapotables! Un rêve d’autant plus réalisable qu’il existe, entre Castres et Toulouse, une nationale : la 126 ! Pourquoi construire, le long de cette nationale qui pourrait être aménagée, 62 km d’autoroute? Les autoroutes n’ont rien à voir avec les nationales. Les nationales nous appartiennent, et c’est Charles Trenet. Les autoroutes, c’est pas Trenet. Les autoroutes ne nous appartiennent pas : elles sont à eux. Eux les bétonneurs et leurs actionnaires.
Le projet d’autoroute entre Castres et Toulouse est une hérésie en terre albigeoise.
( 24 avril 2023 marianne.fr)
Samedi 18 février 2023
Créé par, OpenAI, entreprise spécialisée dans le raisonnement artificiel sise à San Francisco, un agent conversationnel fait fureur chez les élèves. Il s’appelle ChatGPT. Il est conseillé de prononcer son nom à l’anglaise –« Tchatgipiti », sinon on ricane, on pouffe. Pourquoi les élèves, à peine rentrés chez eux, se connectent-ils donc à ChatGPT ? Parce que ce dernier fait les devoirs à leur place. Un commentaire sur Voltaire : il s’en charge, et le devoir rédigé s’affiche instantanément sur l’écran de l’ordinateur. Un devoir sur Paul Eluard, demandez à ChatGPT, il a les réponses. Les élèves n’ont plus qu’à recopier avant de retrouver leurs potes sur Fessebouk. Les profs, eux, attendent toujours qu’un génie invente la machine à corriger les copies.
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Que la question soit économique, politique, culturelle, militaire, diplomatique, sociale, animale, ne défilent sur les plateaux TV que des experts qui citent d’autres experts. On n’invite jamais au pays de Rimbaud de poètes comme si leurs mots, leurs propos n’étaient que fantaisie, divagation. C’est tout le contraire, la parole du poète est centrale, profonde. Surtout, les mots dits par le poète demeurent, contrairement aux chiffres et aux statistiques que les experts s’envoient à la figure. Sur la « question animale », sur les bêtes, les animaux, voici les mots du poète Christian Bobin : « Nous devrions rendre grâce aux animaux pour leur innocence fabuleuse et leur savoir gré de poser sur nous la douceur de leurs yeux inquiets sans jamais nous condamner. »
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Rugby, le Tournoi des 5 nations, la télé était en noir et blanc. Walter Spanghero quitte le terrain, le nez en sang. Roger Couderc, se dirige vers Walter, inquiet. Walter le rassure : « Heureusement que j’avais le pif, autrement je le prenais en pleine poire ».
Samedi 11 février 2023
« Faire bouger les lignes » : vaine mission, la ligne qui importe étant la ligne d’horizon.
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Enfants gavés d’écrans, regardant non le monde mais leurs propres visages dans des stocks de selfies, usant des applications, cliquant et recliquant, multipliant les « like », comptant, hébétés, leurs amis sur Facebook, prisonniers du factice, otages du simplifié. La question n’est plus seulement : « Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? » mais, comme l’écrit Jaime Semprun : « A quels enfants allons-nous laisser la planète ? »
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Au zinc, le matin, je sirote un café en feuilletant La Nouvelle République des Pyrénées dans le 65 et, dans le 64, La République des Pyrénées. Le Groupe Sud-Ouest, propriétaire de La République des Pyrénées, a décidé de fermer l’imprimerie du journal, sise à Berlanne, entre Morlaas et Pau. Conséquence : 20 emplois supprimés, 20 ouvriers qui ont une famille à Nay, une maison à Orthez, sommés d’aller bosser à Bordeaux, au sein du Groupe, ou de prendre rendez-vous à Pôle Emploi. Où les 35 000 exemplaires de La République des Pyrénées seront-ils imprimés ? A Bordeaux. Comment seront-ils acheminés chaque jour dans le 64 ? Par camion. Six camions. Qui dit camions, dit pollution. Mais, au sein du Groupe Sud-Ouest, personne n’a entendu parler de la pollution, non plus du réchauffement climatique. Quant aux journalistes, ils devront désormais « boucler » non plus à minuit mais à 23h. Ils ne pourront dans ces conditions « couvrir » ni le conseil municipal de Pau, ni les campagnes électorales. Un soir de Présidentielles ou de législatives, un journal « boucle » à 1h du matin. La République des Pyrénées ne pourra donc plus raconter à ses lecteurs la vie du pays qui est le leur. Pour sauver La République des Pyrénées, canard du 64, signez la pétition à l’adresse suivante : sauvonslarep.org
Vendredi 3 février 2023
J’ai répondu aux questions de Philippe Chauche à propos de mon poème « J’ai recousu la robe de la nuit avec du fil de pêche sur le parking d’Auchan »
Jeudi 2 février 2023
Nous, sa famille et ses amis dont de nombreux sont cyclistes, entourions Jean Pey dans l’église d’Ossun au chœur pastel. Et nous l’avons accompagné, au cimetière, situé dans le village, les défunts n’étant pas, à Ossun, séparés des vivants. Au dessus des tombes, la neige. Les entourant, le froid. La sonnerie du passage à niveau, sans froisser le silence, le soulignant, retentit. La France des départementales, des passages à niveau et des chemins vicinaux, la France que Jean Pey sillonna sa vie durant sur son vélo, le rejoint dans les allées du cimetière d’Ossun, l’entoure, le relaie, l’escorte jusqu’au tombeau. Désormais, Jean Pey, mains aux cocottes, en danseuse, relance dans les lacets des grands cols du ciel.
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Nous cliquons et recliquons, notre doigt glisse sur l’écran, une image s’affiche, nous la chassons du bout du doigt, une autre s’affiche, nous ouvre des boites mails, des applications, nous cliquons, nous recliquons, et commandons une pizza. Tout est fluide, tout est ludique, dans notre monde numérique. Mais qu’est-ce qui se cache derrière les écrans qui prolifèrent et les « like » que nous envoyons ? L’extractivisme et l’esclavage. On extrait à fond les ballons minerais, métaux, terres rares and C°. « On se prépare à extraire de la croûte terrestre plus de métaux en une génération que pendant toute l’histoire de l’humanité », note l’essayiste Philippe Bihouix. Et qui est chargé d’extraire ces métaux ? Des esclaves ! Et qui ensuite assemble les pièces de nos ordinateurs et de nos téléphones portables ? D’autres esclaves. Des esclaves condamnés aux cadences infernales, dans des villes-usines, en Chine, en Ethiopie, au Vietnam, en République Tchèque, en Slovaquie. Que ces esclaves osent bouger le petit doigt, et aussitôt s’abat sur eux la répression des polices privées engagées par les multinationales du numérique.
Vendredi 27 janvier 2023
Philippe Lacoche est un remarquable écrivain, le seul qui, à ma connaissance, se souvienne de Karl-Heinz Kunde, coureur allemand, natif de Cologne, lequel, en 1966, porta pendant quatre jours le maillot jaune. Philippe Lacoche écrit des romans merveilleux, des nouvelles délicates, des chansons qui volent et, dans « Le Courrier Picard », noble canard, des articles excellents. Lacoche, c’est un très bon. Un très bon qui fait un bond du côté du théâtre. Il vient en effet d’écrire et de publier, aux Editions Les Soleils Bleus, « Pourriture ! », une pièce joliment déjantée, suite de « L’Echarpe rouge » (Le Castor astral, 2014), qui avait été, elle, mise en scène et jouée par Le Théâtre de l’Alambic. Pièce déjantée donc, et charge contre la société ultralibérale d’un authentique hussard. Rappelons que Philippe Lacoche a obtenu, en 2018, le Prix des Hussards, pour son roman « Le chemin des fugues » paru aux Editions du Rocher. Qui dit charge, dit langage tonique, uppercuts, syllabes nerveuses, personnages colorés, vaillants de la luette, insultes copieuses, répliques vengeresses. Il y a tout ça dans cette pièce. Pièce d’un écrivain qui, dans chacun de ses livres, se souvient des trains, des gares, des cheminots, d’un journal lu et d’un café bu au zinc, des bals du 14 juillet, de « Smoke on the water » de Deep Purple, du monde d’avant la Start-up nation.
Mercredi 25 janvier 2023, je réponds au questions de La Nouvelle République des Pyrénées
– Votre dernier roman avait un titre bref : « Bonheur ». Votre poème est, lui, doté d’un titre long. Pourquoi ce choix ?
– J’avais, cette fois, envie d’un titre qui se déplie, qui se déploie, qui ait l’envergure des grands oiseaux qui planent dans la vallée d’Aure, où je les observe, émerveillé, quand je suis à Saint-Lary. C’est surtout un titre qui dit ce que je fais : je rafistole la nuit, je recouds sa robe. Le poète rafistole la nuit, car la nuit est abimée, salie, polluée, comme la nature tout entière est abimée, salie, polluée. J’essaie de consoler la nature. Je suis le consolateur des truites et des sangliers.
–La nature est au cœur de ce poème très musical, très rythmé. La nature, la maison de Larreule.
-J’évoque beaucoup les paysages qui m’ont nourri, et cette maison de Larreule, sur les bords du Lys, qui était la maison natale de mon père. Je me souviens du bord de l’eau, du bord du toit, du bord de la fenêtre, les poules, les prairies, le vent. Et je souviens, sortant d’une télé, chez des cousins, de la voix de Petula Clark chantant « Downtown »…
–Il y a beaucoup de bords, beaucoup de chemins dans ce poème. Pourquoi ?
-Tout commence par une désertion. Au tribun qui déclare : « Je ne laisserai personne au bord du chemin », le poète répond : si, moi ! Laissez-moi, je ne vous suis pas,je choisis les bords, je choisis les chemins : je déserte. Et cette célébration des bords et des chemins, c’est une célébration de l’enfance, de la lenteur, de la nature, une nature à laquelle nous ne cessons de porter des coups. La violence faite aux arbres, aux nuages, aux rivières, aux bêtes m’affecte profondément.
–Et ces coups, vous les dénoncez…
-Oui. Je continue de louer la nature. Le souvenir de sa beauté me fait souffrir et me pousse à me porter à son chevet. Le poète chante, célèbre, rafistole. Je suis un lyrique, et ma lyre envoie des sons et des salves.
–Il y a la désertion, la célébration et, dans le dernier tiers du poème, une révolte, une jacquerie…
-Oui, la révolte, la jacquerie des bêtes. J’imagine les bêtes se révoltant, sauvant la nuit, et libérant les demoiselles de Gavarnie.
–Qui sont les demoiselles de Gavarnie ?
-Les étoiles. Les étoiles morflent autant que les oiseaux. Il était temps que les animaux s’en mêlent.
-Sur la photo de couverture, on vous voit sur scène, micro en main, à Saint-Saturnin-lès-Apt. Direz-vous ce poème sur scène ?
-Oui. La poésie, pour prendre son envol, doit être dite. La poésie, c’est la bouche, la fête de la luette. J’irai dire, « performer », slamer, tchatcher où l’on m’invitera. Il y a peu, j’étais à Bélus, dans le département des Landes et, comme il n’ y a pas de salle de spectacle, j’ai joué dans la salle du conseil municipal. Oui, j’irai dire ce poème, notamment à Saint-Lary, durant le Printemps des poètes qui se tient du 11 au 27 mars.
–L’aventure poétique continue à Saint-Lary ?
-Oui, elle continue et elle s’amplifie. Le Printemps des Poètes nous a remis le label « Village en poésie », nous organiserons une semaine Léo Ferré, et nous remettrons le Prix Saint-Lary de poésie.
Samedi 21 janvier 2023,
Vélo. A deux reprises, je fus contraint de déchausser fissa, de sauter hors de mon vélo, et de me coucher dans le fossé. La première fois, c’était dans le délicieux col des Spandelles, la seconde, quelques jours plus tard, dans la revêche côte de Miramontès. Pourquoi ces arrêts en catastrophe, ces plongeons délibérés dans les herbes folles, l’eau stagnante et les cailloux pointus ? Une défaillance, une hypoglycémie, cette terrible feuille que redoutent les cyclistes et frappe sans prévenir ? Que nenni car, sans être fringuant, sans être au mieux de ma forme, je n’étais point à la ramasse, et dans le col, et dans la côte. Si j’ai plongé dans le fossé c’est parce que, chaque fois, au sortir d’un virage, je tombai nez à nez avec le panneau suivant : « Chasse en cours ». Et dans ce cas que faire à part plonger, disparaître au fond du fossé, ramper pour éviter les chevrotines (calibre 12) dont les chasseurs usent pour tirer, à courte distance, sur le gros gibier? Gros gibier, moi ? Absolument. Certes, je suis affuté mais, vêtu de noir, couché sur ma machine, j’ai tout du sanglier. Un sanglier un peu distrait qui, ne passant pas vite, laisse aux chasseurs le temps d’épauler, de viser, de ne pas le rater. Je ne fais pas du vélo pour finir sur une civière puis en civet.
Samedi 14 janvier 2023
Je devrais dire « animaux » mais continue de dire « bêtes ». Bêtes, c’est le mot d’Aureilhan, de mon enfance. Le mot qu’emploient également Colette – « Sans bêtes, je m’appauvris » – et la philosophe Elisabeth de Fontenay dans son essai « Le Silence des Bêtes », paru aux Editions Fayard. Les bêtes étaient autour de nous et quand nous nous comportions comme des chenapans, les adultes nous traitaient de tous les noms d’oiseaux, surtout « gahus » et « chameau ». Gahus est un substantif gascon. Il désigne le hibou. Le hibou ne dérange personne, ne fait aucun dégât : pourquoi donc nous comparait-on au paisible hibou quand nous faisions les quatre cents coups ? Et pourquoi « chameau » ? Il n’y a jamais eu de chameau à Aureilhan, hormis celui d’un cirque qui dressait son chapiteau du côté de la Poste. Un chameau on ne peut plus peinard. Mais pourquoi donc nous comparait-on au paisible chameau quand nous cassions accidentellement un carreau ? Hibou et chameau ont un point commun : ils regardent l’homme de haut. Ils se rient de le voir vainement s’agiter, s’accorder une importance qu’il n’a pas. Ni le hibou, ni le chameau ne prennent l’homme au sérieux. Du haut de leur branche ou de leur dune, ils l’observent en pouffant. Deux vrais chenapans.
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Quand, par la volonté politique des gouvernements successifs, l’hôpital cesse d’être un service public et devient une entreprise soumise aux règles de la rentabilité, des patients meurent sur les brancards, dans les couloirs.
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Désirant promouvoir «l’égalité entre les femmes et les hommes» Bertrand Kern, maire PS de Pantin, a décidé que sa commune, un an durant, s’appellerait Pantine. Jean Léonetti, maire Les Républicains de Juan-les-Pins, voulait suivre l’exemple de son collègue socialiste. Découvrant que Juan-les-Pins devenait Juan-les-Pines, il s’est empressé de taper en touche.
Lundi 9 janvier 2023.
Vélo. Ni groupe, ni club : je roule toujours seul. Je ne supporte ni le bavardage technique – carbone, acier, poids du vélo…- des uns, ni la morve au nez des autres. Quand je roule, je ne recherche d’autre présence que celle des bêtes dans les prés. Quand je roule, une seule parole me sied : celle du vent.
Dimanche 25 décembre 2022
Vincent Delerm: l’impasse vocale est totale, et la misère verbale, inouïe. Est à la chanson ce que son père est à la littérature.
Samedi 18 décembre 2022
Enfin ! Enfin un costaud des planches, un comédien vertébré, un vaillant de la luette qui visite – et de quelle manière ! – les territoires de la poésie. Ce costaud, ce vaillant, ce lascar syllabique, c’est Torreton, prénom Philippe. Torreton a composé, en nos temps d’inflation romanesque et de mise à l’écart de l’imagination, une « Anthologie de la poésie française ». Elle sort chez Calmann-Lévy, compte 621 pages, coûte 23,50 euros. Un pavé donc, mais un pavé qui vole, tant les poètes choisis, de Bernard de Ventadorn, XII siècle, à l’ami Joseph Ponthus dont le puissant « A la ligne » m’avait enthousiasmé, rivalisent de rythmes, de trouvailles verbales, et de succulente densité. L’anthologie de Torreton est un pavé d’oxygène. Michel Leiris disait de nos épaules qu’elles sont « les pôles des ailes disparues ». Et voici qu’elles repoussent grâce au peloton de poètes choisis par Torreton. Cette anthologie est revigorante, enivrante. Un beau livre gourmand. Je n’emploie pas cet adjectif sans raison. Torreton sait que les mots sont des mets. Son livre a sa place dans la cuisine, sur le buffet, sur le vaisselier. Son livre, on le prend dans ses mains, on s’installe à la table, on l’ouvre comme un pain, on savoure. On savoure quoi ? Ce quatrain de Théophile de Viau, par exemple, que l’on croise page 152 :
Dans ce val solitaire et sombre,
Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.
Seulement quatre vers, seulement quatre rimes, et c’est la nature toute entière, avec son harmonie, son silence habité et rieur, qui s’offre à nous, à l’heure où nous portons tant de coups aux bêtes, à l’eau, aux feuilles, aux étoiles et aux vers-luisants. Le poète, certes, préfèrera toujours aux mots d’ordre le désordre des mots. Mais Viau, avec son petit désordre capiteux et construit, nous parle et parle de nous, nous fait réfléchir à ce que nous sommes en train de devenir. Noël se pointe avec son champagne et, sans doute, ses coupures de courant. Il suffira d’une bougie allumée au-dessus de l’anthologie de Philippe Torreton pour que nous ayons toute la lumière dont notre cœur a besoin.
(Chronique « Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Jeudi 8 décembre 2022, dans mon poème, « J’ai recousu la robe de la nuit avec une fil de pêche sur le parking d’Auchan », Petula Clark chante « Downtown »
Le poème est à commander sur le site des Editions du Petit Véhicule
Mercredi 7 décembre 2022, il est arrivé ce matin, à Pau, par La Poste.
Imprimé à Nantes, sur les Presses d’Orphée, relié à la chinoise, « J’ai recousu la robe de la nuit avec du fil de pêche sur la parking d’Auchan », poème, vient de paraître aux Editions du Petit Véhicule, dans la collection « L’Or du Temps » Il est le 257eme ouvrage paraissant dans cette collection.
Samedi 3 décembre 2022
Lagos : peinard sous les pommiers, un âne braie.
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Je remercie encore la demoiselle de la boulangerie-pâtisserie de Saint-Pé-de Bigorre, sur la place, sous les arcades, de m’avoir concocté le chocolat chaud auquel je songeais depuis Betharram en longeant le gave, aglagla quel frigo. Chaud, cacao, et je remontai sur mon vélo. Go, Lance, go !
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J’avale la côte de Ger et, parvenu au rond-point, je prends à gauche, direction Pontacq. La route est délicieuse : un parfait ruban posé sur l’herbe du Plateau. Devant mes yeux, dauphin alangui et bleu, la chaîne des Pyrénées, Un panneau, également bleu, indique : « L’arriu de hounrede » Je traduis : « le ruisseau de la fontaine froide ». Fontaine, en français, avec un « f ». Hount, en gascon, avec un « h ». Le gascon ignore le F, le remplace volontiers par un H franchement aspiré. Un H beau comme un coup de hache coupant en deux une buche dans le matin froid. Les mots gascons, les mots que l’école arracha de nos bouches – « Il est interdit de cracher par terre et de parler patois »-, ces mots qui étaient, à ses yeux, ceux de l’obscurantisme et des superstitions, parlent encore sur le bord des chemins qui restent. Ils résistent, et nous invitent à résister. A résister à un système qui saccage les paysages, broie les bêtes, broie les gens, et tue les mots.
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Pierre Bergounioux publie, aux Editions Belopolie, dans la collection « Penser, décider, agir », un petit livre pas plus lourd qu’un piaf. Son titre : « Les Oiseaux ». Les oiseaux ont du plomb dans l’aile et, en France, leur nombre a chuté d’un tiers en quinze ans. Pierre Bergounioux se penche sur eux, se souvient de son enfance, en Corrèze, au pays des oiseaux. Deux d’entre eux avaient une place particulière dans son cœur : « Ils portent la même livrée noire, stylée, sévère mais non pas sinistre, funèbre comme la corneille et l’étourneau. » Beaux oiseaux, belle pages, belle langue : Pierre Bergounioux. 31 pages, 10 euros.
(« Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Samedi 26 novembre 2022
Croisé, sur le sentier, un escargot. L’escargot est un animal estimable. Certes, et Jacques Prévert nous le rappelle, il arrive généralement en retard aux enterrements. Mais, hormis cette désinvolture, que peut-on lui reprocher ? La pluie dit du bien de lui. Dès qu’elle tombe, loin de pester contre elle, il sort pour la saluer, pointant ses cornes vers ses gouttes. Les pierres, elles aussi, apprécient son passage. Il laisse sur elles des traces humides, lesquelles, dès que le soleil réapparaît, sèchent et brillent comme des paillettes, du fard à paupières. Et les pierres, maquillées, ourlées de lumière, se mettent à danser comme à Rio, durant le Carnaval. L’escargot, qui ne dérange personne ici-haut, excepté le jardinier dont il apprécie les salades, a trois prédateurs : le mulot, le hérisson et les Français.
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A la fin du clip officiel de « La nuit je mens », la chanson s’éteint, et Alain Bashung surgit de dos, élégant, aérien. On ne voit pas ses jambes, seulement son dos, sa nuque, sa chevelure, et ce bras qui se soulève, ce bras suspendu au-dessus de la guitare dont on distingue, de part et d’autre de la veste noire laquée de lumière, une partie du manche, une autre du corps caisse. On a descendu les projos, ils sont comme à ses pieds. Par sa présence, son déplacement, son geste, Alain Bashung nous rappelle que nous pouvons aussi être légers, nous débarrasser de cette lourdeur à laquelle la vie sociale nous condamne. Tout artiste, qu’il chante, peigne, écrive, dessine ou compose, nous fait don de cette légèreté miraculeuse. L’œuvre d’art nous souffle que nous ne sommes pas seulement des tueurs d’éléphants. Peut-être nous invite-t-elle à cesser de l’être. Dès lors pourquoi souiller une toile de maître comme le font des militants écologistes de « Just Stop Oil » ?
( Chronique « Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Samedi 19 novembre 2022
Donc, dimanche, la coupe de monde de foot au Qatar, dans des stades construits par des esclaves. Dans la salle de presse, construite elle aussi par des esclaves, l’on croisera de nombreux journalistes, ravis d’être là. Parmi eux, ceux de L’Equipe qui fut le journal de tous les sports, avant de n’être plus que celui du foot et, désormais, celui du PSG. Ils sont donc au Qatar, ces journalistes de L’Equipe qui auront fait si souvent la morale aux sportifs. A Cantona, par exemple. Souvenez-vous du geste de Canto, ce coup de pied circulaire digne d’un champion de karaté à la face de Matthew Simon, un hooligan qui l’avait traité « d’enc… de bâtard de Français ». Le Politburo de L’Equipe avait accablé Canto, titrant : « Impardonnable ! » Après Cantona, Virenque fut à son tour voué aux gémonies. Et après Virenque, Armstrong qui, lui, fut tout simplement brûlé en place publique. Point commun entre ces trois gredins: ils ont fait gagner beaucoup d’argent au journal l’Equipe. Si Cantona, Virenque et Armstrong sont « impardonnables », le Qatar, lui, est béni. Et c’est donc le cœur léger que les journalistes de L’Equipe se rendent au pays du fric et de la monstration. Un cœur léger, surtout s’ils souffrent d’anosmie, cette perte momentanée de l’odorat causée par la Covid-19. Privés de pif, ils ne seront indisposés ni à l’aéroport, ni dans le taxi, ni dans leur chambre d’hôtel, ni au restaurant, ni au stade, par l’odeur des cadavres des 6500 esclaves, morts de soif et d’épuisement sur les chantiers de la honte.
(Chronique « Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Vendredi 18 novembre 2022,
je suis contre la corrida car j’ai été un petit garçon catholique. A l’église d’Aureilhan, dans le 65, monsieur le curé, citant la parole du Christ, nous invitait à « nous aimer les uns les autres », et nous avertissait : « Ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez ». J’ai toujours pensé que les animaux faisaient partie des « plus petits d’entre les siens » car tous sont sans défense, même les éléphants. N’en déplaise aux aficionados qui lâchent un olé à chaque hoquet, n’en déplaise aux toreros, matassins à tablier de boucher, le taureau est, lui aussi, sans défense : l’arène dans laquelle on le pousse, est toujours un tombeau. Les arènes sont de fort bruyants cimetières.
Les bêtes – j’use volontiers de ce mot qu’emploient les paysans et Colette – sont parmi nous, sans défense, et nous les faisons souffrir. Assis sur un cheval qui préfèrerait ne pas être là, nous plantons des piques dans leur dos. Debout, dansotant – pirouette, demi-pointe et rond-de-jambe -, nous regardons le sang couler de leurs flancs jusque sur leurs sabots, avant d’enfoncer nos épées. L’homme se grandit-il quand il agit ainsi? Dieu a-t-il créé les animaux pour que nous les tourmentions de la sorte ? A ces questions le pape Pie V a répondu, en 1567, en publiant la bulle De salute gregis : « Considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis au cirque ou sur la place publique sont contraires à la piété et la charité chrétienne, et désireux d’abolir ces sanglants et honteux spectacles dignes des démons et non des hommes, à tous et chacun des princes chrétiens, revêtus de n’importe quelle dignité, aussi bien ecclésiastique que profane, nous défendons et interdisons, en vertu de la présente Constitution à jamais valable, sous peine d’excommunication encourue ipso facto, de permettre qu’aient lieu des spectacles de ce genre où on donne la chasse à des taureaux et à d’autres bêtes sauvages. » Condamnation et excommunication : il n’y allait pas avec le dos de la férule crucifère, Pie V. Les aumôniers des arènes qui se signent avant que ça saigne, devraient relire Pie V.
Je dénonce la cruauté de la corrida avec Pie V. Je la dénonce tout autant avec l’anarchiste Ernest Coeurderoy qui découvrit, en 1853, lors de son exil en Espagne, le monde sanglant des arènes: « Le taureau hurle et se tord sur lui-même, secouant le fer et le feu. L’impression de la souffrance a pénétré son cœur, tous ses membres en sont ébranlés ; l’écume sort de ses naseaux qui saignent ; dans toutes les directions il bondit, rasant de ses cornes les poitrines des toreros qui passent comme des flêches.[…]Que me veulent ces hommes ? Que leur ai-je fait, et pourquoi me harceler ainsi ?Qu’ai-je de commun avec eux ? Et quand finira ce long supplice ?
Je dénonce la cruauté de la corrida avec Pie V et Ernest 1er, et les afionados de protester: « Respectez nos traditions ». Je devrais donc me taire, ne poser aucune question. Or la seule façon de « respecter » une tradition – ou une idée, ou un projet, un programme -, c’est de l’interroger, de la questionner. Peut-on aujourd’hui, à l’heure où nous nous soucions du bien-être animal, à l’heure où nous déplorons la disparition des espèces, fréquenter les arènes où un animal, arraché à la paix verte des prairies, est torturé afin que la mort puisse lui être donnée ? Je parle de torture, les aficionados s’offusquent! Pourtant, il s’agit bien de cela : le sort d’un taureau dans l’arène n’est pas différent de celui d’un prisonnier politique dans la geôle d’un tyran. Ni le taureau, ni le prisonnier ne doivent mourir trop vite. Si le taureau, épuisé par une hémorragie trop abondante, s’effondre, le torero est dans l’impossibilité de lui porter l’estocade, du lui donner ce qu’il tient à lui donner : la mort. Si le prisonnier politique s’effondre sous des coups trop fréquents, trop violents, il meurt sans avoir donné à son bourreau ce que son bourreau lui demande : le nom de ses camarades. Dans l’enceinte de l’arène ou chez les dictateurs, les coups doivent être portés intelligemment, professionnellement. On ne s’improvise pas tortionnaire.
Corrida: d’où vient-il, ce mot ? D’Espagne comme Eugénie de Montijo. Corrida est l’équivalent espagnol du français corridor. La corrida, c’est le couloir de la mort. Un couloir de plus en plus long, le taureau étant transporté, des terres où il hume le vent aux arènes où on le torture, par camion, dans un caisson de deux mètres carrés. Le transport peut durer une vingtaine d’heures. Le corridor mène à la cellule du condamné, appelée toril. Et le toril donne sur un sable sans océan où attendent les piques, les épées et la foule. Cette foule qui n’aime rien tant qu’assister aux exécutions.
Plus de corrida, plus de corridors, tout cela doit cesser. Et que le taureau retrouve ses terres, la terre, la nature ! Cette nature à laquelle nous portons tant de coups. Une qui attend chaque nuit le retour des taureaux dans les prairies, c’est la lune. On appelle berceau l’espace entre les cornes du taureau. La lune descend volontiers sur terre pour se lover dans ce berceau. Et le vent qui fredonne, et le taureau qui se tient immobile, la bercent. Chaque fois que l’on tue un taureau, l’on chasse la lune de ce berceau. Et la lune se met à pleurer. Je suis contre la corrida car je ne veux plus entendre la lune pleurer.
(Le Figaro, page 16, 18 novembre 2022)
Samedi 12 novembre 2022, le député Insoumis Aymeric Caron a déposé une proposition de loi visant à interdire la corrida en France. Elle sera examinée le 24 novembre à l’Assemblée nationale. Le lobby taurin veillant au grain, la loi a peu de chance d’être adoptée. Si, par chance, elle l’était au Palais Bourbon, elle serait rejetée au Sénat où la droite est majoritaire. Les Républicains voteront contre au motif qu’ils « sont attachés aux traditions et à leur respect ». Le raisonnement des penseurs de ce parti est le suivant : « La corrida est une tradition : n’y touchez pas! ». A leurs yeux donc, dès lors qu’il y a tradition, l’interrogation, le questionnement, la remise en cause sont nuls et non avenus. Cette invitation à laisser sa cervelle au vestiaire est lancée par des élus qui ne se servent guère de la leur. Toute tradition mérite en effet d’être interrogée. L’excision est une tradition, et nous la condamnons au nom des Lumières et de liberté (toujours bafouée) de la femme. La corrida est une tradition, et nous la condamnons au nom du respect dû aux animaux. Nous condamnons sa cruauté qui ne grandit ni celui qui l’exerce ni celles et ceux qui s’en repaissent. Défendant les bêtes, nous défendons aussi les hommes. « Au fond de la révolte contre les forts, je trouve de plus loin qu’il me souvienne l’horreur des tortures infligées aux bêtes », écrit Louise Michel. L’aplaventrisme devant les traditions est un marqueur de la droite bornée. Au Sénat, au moment d’examiner la proposition de loi d’Aymeric Caron, les Républicains, engoncés dans leur veston, maugréeront et, pointant du fond de leurs fauteuils un index tremblotant, lâcheront: « Respectez notre culture ! » Les jeunes Espagnoles, les jeunes Espagnols leur répondent déjà avec ces mots inscrits sur leurs T-shirts : « La torture n’est pas une culture ! »
(Chronique « Percolateur », La nouvelle République des Pyrénées)
Mardi 8 novembre 2022, Marc Berthoumieux..
Mardi 1er novembre 2022, le faîte des toits et le clocher
ourlés du jour qui naît
tout ce qui m’émeut
me nourrit
et me vêt comme une bruine
tout ce qui fait battre dans ma poitrine
le cœur de l’enfant que j’étais
îlotier des lieux-dits
feu-follet des chefs-lieux
est près d’être englouti
la catastrophe ayant chaussé des bottes de sept lieues
Vendredi 28 octobre 2022, Claude et la « sirène brune »
Samedi 22 octobre 2022, loin du Qatar, mais au cœur du football, avec le nouveau livre de Bernard Morlino, « 100 matchs de foot légendaires, de 1872 à nos jours » (Editions Gründ). Morlino écrit avec le maillot de l’Ajax de Cruyff sur les épaules, comme René Fallet tapait sur le clavier de sa machine après avoir enfilé celui de la Ti-Raleigh, glorieuse équipe du Tour de France. Morlino, c’est un régal, à la fois le film et le Miko de l’entr’acte. Morlino sait tout, mais, contrairement aux gens savants, il ne nous saoule jamais : il nous enchante. Son livre est tonique, vif, fait de paragraphes enlevés. Son livre est coloré et haut-en couleur. Coloré, grâce aux illustrations qui sont nombreuses. Haut-en-couleur, car Molino écrit avec son cœur et cette enfance niçoise qui ne cesse de l’accompagner. Il y a des passes, des dribbles, des exploits, des surprises, des buts magiques, des maillots mythiques. Mais le plus beau short, blanc et très court, est celui que porte, dans le book à Morlino, Brigitte Bardot, le samedi 13 mars 1971, lorsqu’elle donne le coup d’envoi du match de gala opposant une équipe composée de joueurs marseillais et stéphanois, et le FC Santos de Pelé. Morlino qui se souvient des lieux autant que des hommes déplore la disparition, en France et en Angleterre, des stades légendaires : le stade Bergeyre dans le XIX arrondissement de Paris, ou le White Hart Lane, à Londres. Bel objet regorgeant de belles histoires, le livre de Morlino coûte 29,45 euros. A offrir, à s’offrir.
(Percolateur, La Nouvelle République des Pyrénées)
Mercredi 19 octobre 2022, ce matin, Coutin par Belin…
Mardi 18 octobre 2022, au micro de Stéphane Carpentier, en 2021, le Tour, les mots, « Le Bazar de l’hôtel de vie », les planches….
Vendredi 14 octobre 2022, Sade à Montreux…
Jeudi 13 octobre 2022 matin de juillet
j’entrouvre les lourds et rouges et
basques volets
chargé de filtrer les entrées
je laisse passer une bourdon pressé
un poisson d’argent
une coccinelle qui est
la plus belle pour aller danser
un peu de lumière désarmée
le soleil lui restera dehors
il pestera
il protestera
il poussera de tout son corps
comme au rugby
comme à Bayonne
allez-y poussez poussez
les avants de Bayonne
allez-y poussez poussez
les avants bayonnais
il poussera poussera
cap de diu cap de dine
la pachole calée contre sa poitrine
il poussera mais en vain
il est persona non grata ce matin
dans la maison
à l’abri de sa fureur
dans l’ombre dodue comme une douelle
sur la table fidèle à l’arbre qu’elle fut
le cahier ouvert comme un fruit
veille sur les mots à quais
dont les coques laquées
imperceptiblement se balancent
danse ouatée
frêles cadences
je dégage précautionneusement la chaise
elle frissonne comme une branche
comme la hanche privée du drap
comme le piaf qui a pris froid
l’ancre et les amarres
sont remisées dans les armoires
les consonnes s’étirent
les voyelles soupirent
les accents courent sur le ponton
les virgules s’agitent comme des avirons
voguer maintenant voguons
la page se ride se creuse
entre ses lignes l’horizon
écume volage et charmeuse
prairies bleues troupeau de vagues
chaos de rochers que le vent élague
ô liquide plancher des vaches
je tiens la barre franche
gaillardement
illusoirement
les mots mille sabords sont le seul maître à bord
Samedi 8 octobre 2022, arbres, départementales, tuiles, ruisseaux, fougères, animaux: je m’en tiens à ce qui m’invente.
*
Demain est déjà là, en Chine. Tang Yu, femme robot vient d’être nommée à la tête de Fujian NetDragon Websoft, grosse entreprise chinoise de jeux vidéo. Une pédégère à laquelle les ouvrières et les ouvriers devront ressembler : n’être jamais absents, jamais malades, jamais fatigués, être toujours performants et disponibles 24h sur 24h. Ne penser à rien d’autre qu’à la firme.
*
Georges Bernanos, en 1947, dans son essai La France contre les robots: « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
*
Saint-Pé-de-Bigorre et le goudron granuleux de la côte de Peyrouse. Le meilleur goudron du 65. La route, étroite, est bordée de piquets qui sont les sacs de frappe du vent, d’herbes dont la folie, ici, bat son plein. Aucun marquage au sol, aucun ourlet. Dans les prés voisins, à l’abri des tourments que partout subissent les bêtes, des brebis. Un panneau rectangulaire, d’allure artisanale, porte la mention suivante : « Chemin des Barbettes ». Barbette : petite barbe en gascon. Le chemin des Barbettes est celui des barbes modestes, des barbichettes, le chemin des chèvres sans doute.
(chronique « Percolateur » La Nouvelle République des Pyrénées)
Samedi 30 septembre 2022, Rouler, rouler jusqu’à être affuté et digne de rejoindre le peloton des arbres. La nature a horreur du bide.
*
Je refuse et déchire aujourd’hui le mot « territoires » comme je refusais et déchirais hier le mot « province ». Ils ne disent rien de ce que nous sommes. Ils mettent en lumière le regard que Paris porte sur nous. Il y aurait, sur son trône, Paris et, à ses pieds, tout le reste. Nous ne sommes pas le reste, nous sommes l’Occitanie, comme d’autres sont La Bretagne. Il ne s’agit point d’une question d’administration mais d’appétit : A Paris, les sushis ! En Occitanie, le confit !
*
On peut regarder la France, réfléchir à ce qu’elle est, à ce qu’elle est devenue, sans user des mots du maître et des centralisateurs. On peut simplement parler de villes, de villages de France, et constater que le système économique et productiviste que certains continuent de défendre et de promouvoir, a réussi la prouesse suivante : rendre la vie impossible dans les villes qui sont surpeuplées et dans les villages qui se vident et meurent.
*
Ils se saluent, se congratulent : ils sont fiers de chez fiers ! Ils n’ont pourtant aucune raison de l’être. Ce qu’ils ont construit et montrent aux caméras n’est pas un bateau, rien à voir avec le Pen Duick d’Eric Tabarly ou le Kingfisher d’Ellen MacArthur. Ce qu’ils ont construit est un porte-containeurs, le plus maousse des porte-containeurs français : 400 mètres de long, 50 mètres de large. Ils se saluent, se congratulent et, comme ils se permettent tout, comme ils salopent tout, comme ils saccagent sans vergogne les greniers de l’âme, ils donnent à cette monstruosité flottante et polluante le nom de l’écrivain Antoine de Saint-Exupéry. Il est vrai qu’au pays de Rimbaud, Picasso n’est déjà plus qu’une auto.
(Percolateur, La Nouvelle République des Pyrénées)
Mardi 27 septembre 2022, les paroles françaises sont de Boris Vian…
Samedi 24 septembre 2022, 5 rue Froment
à La Robe de la Girafe
(sous la mousse de son chapeau
le demi)
loin du tintamarre
je lis Le Coeur pur du barbare
de Thomas Vinau
Samedi 24 septembre 2022, les vélos des Bobos
ne sont ni des Trek
ni des Pinarello
mais des Dott
des Micmo
lestes sons
jolis mots
Samedi 24 septembre 2022, les vieux villages possèdent tous, en sus du cimetière qui jouxte l’église, un nouveau cimetière. Celui qui jouxte l’église est charmant, partage avec elle le soleil, la pluie, la cloche. Le nouveau cimetière, lui, est généralement sinistre, construit à la sortie du village, loin du clocher, loin des tuiles et des ardoises, le long d’une route sans caractère. C’est partout ainsi, sauf à Orleix où le nouveau cimetière est au cœur même du village, à deux pas de l’église. On y accède par un chemin qui dégringole entre des maisons et traverse des zones d’herbe. On passe un petit pont qui enjambe l’Alaric, on entre dans la forêt, et c’est dans la forêt que sont les tombes. On y entend la cloche et les pics-verts qui font du rap dans les arbres. Robert Sabathié y repose, au pied des chênes, dans la compagnie du vent, voisin des feuilles et du silence, l’odeur des cèpes à deux pas du pif. A Orleix, l’éternité a des saveurs terrestres.
(Extrait de « Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Samedi 17 septembre 2022, la blague à deux balles du coach du PSG sur le climat et la poilade de Mbappé : de grâce, n’accablons pas Kylian ! Il ne sait pas, Kylian, il ne sait rien de l’état du monde, des coups violents que nous portons, chaque jour, à la planète. Il ne sait que la catastrophe se radine, Kylian, car il est une star du foot. Il vit dans un autre monde que le nôtre, en vase clos. Il nage, insouciant, dans le fric de fou qu’il encaisse grâce à son extraordinaire, son fabuleux talent. De grâce n’accablons pas Kylian : il ne sait pas que la forêt girondine a brûlé tout l’été et que les pluies qui tomberont sur la France seront désormais diluviennes. Elles emporteront tout, les pluies : les gens, les voitures, les ponts, les maisons, les écoles, les cours de récréation, les trains, les gares et les ballons de foot. Tout ça, Kylian, il sait pas. Il ne sait rien non plus de l’organisation de la Coupe du monde de foot au Qatar. S’il savait, Kylian, que 6500 ouvriers sont morts d’épuisement et de soif lors de la construction des stades qataris, il refuserait d’aller jouer là-bas On ne tire pas des pénalties dans les cimetières.
*
J’ai vu, à Paréac, dans un pré aussi vert qu’un manteau d’Elizabeth II, des vaches heureuses. J’ai vu également, à la télé, un reportage sur la ferme chinoise de demain: un immeuble de 26 étages dans lequel seront enfermés 600 000 porcs.
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Sur les plateaux des chaines d’info – guerre en Ukraine oblige ! -, des généraux, des généraux, des généraux. En France, on n’a ni tanks ni soldats ni casernes, mais on a des généraux.
(Chronique « Percolateur », La Nouvelle République des Pyrénées)
Dimanche 11 septembre 2022, la reine roule, dans son cercueil, en direction d’Edimbourg , à travers les verts divers des terres d’Ecosse. Des verts que je reconnais : ce sont ceux des manteaux qu’elle portait.
Vendredi 9 septembre 2022, soixante-dix ans durant, elle aura préféré la parole rare au bavardage permanent. Les seuls mots qui nous tinrent compagnie durant la Covid et ses confinements furent les siens.
Mardi 6 septembre 2022, Biarritz, les Halles d’abord: du Noir ibérique et un verre de Rioja. L’océan maintenant, ses bleus superposés, les rochers baraqués, accoudoirs des mouettes, la blancheur boudeuse des vagues. Biarritz, nom basque disent-ils. Je me fous de ce qu’ils disent: je n’écoute que mon oreille. Biarritz est un mot éolien. Un mot que le vent prononce lorsque, déboulant de l’horizon, il se pose sur le sable et s’ébroue comme un cheval. Et si j’écris, non pas cheval, mais grand cheval, je me retrouve à Montréal : « …Je reviendrai à Montréal/ écouter le vent de la mer/ se briser comme un grand cheval/ sur les remparts blancs de l’hiver… »
Vendredi 2 septembre 2022, atelier, atelier…De poterie, oui. De céramique, oui Mais d’écriture: je pouffe! Ecrire est une façon d’exister. Ecrire, c’est plonger dans l’océan syllabique. Que proposent-ils dans leurs ateliers d’écriture : des bouées ?
Mercredi 31 août 2022, au pays de Manciet et Lubat, les hommes se déplacent sur des échasses: les cabanes aussi ! On les dit cabanes tchanquées. Du gascon chanca, échasse. Un peuple haut-perché que j’ai retrouvé lorsque j’écrivais sur André Darrigade. Pour rester à ses côtés je relisais le poète Emmanuel Delbousquet.
Mardi 30 août 2022, l’ami Philippe Chauché, lisant ma note du 28 août, écrit : « Enfant lorsque nous allions au Canon, nous baigner et camper, les pinasses me faisaient rêver, éloigné du Bassin, c’est toujours le cas. » Alimentons un peu le rêve de Philippe ! François Le Masson du Parc, de l’amirauté de Bayonne, décrivait ainsi ce bateau : « les pinasses qui servent à faire la pesche dans la baye d’Arcasson sont faite de la forme d’une navette avec les bouts un peu relevés, une pinasse a vingt à vingt deux pieds de longueur de l’estrave à l’étambot. ». Ajoutons que son nom pinassa, est gascon. Le nom du matelot, pinassèi, l’est aussi. Pinasse vient de pin. Pin allongé avec, à chaque extrémité, un quignon, débarrassée de la peur ancestrale du feu, la pinasse se prélasse, loin des chagrins, sur l’eau du Bassin.
Dimanche 28 août 2022, le Bassin d’Arcachon, l’anniversaire de Louis: une pinasse, des fruits de mer, un Carbonnieux.
Jeudi 25 août 2022, le nom d’enfer des étapes de montagne de la Vuelta : Bilbao-Ascensión al Pico Jano. San Miguel de Aguayo. Bilbao-Ascensión al Pico Jano. San Miguel de Aguayo : on ne vit que Remco. Yo !
Jeudi 25 août 2022, l’abondance: il y a ceux qui ne l’ont jamais connue, ceux qui ne la connaissent plus, et ceux qui la connaissent de plus en plus.
Mercredi 24 août 2022, septembre : le son est parfait. En français avec le souffle naissant, le presque zef de son s initial, et sa frêle ruade finale. Parfait également en gascon – sétémé – où les consonnes apaisées s’enroulent l’une après l’autre autour du é. Et le m de sétémé est sans doute celui du verbe aimer. Un mois, deux noms, et l’’institeur nous racontait qu’il y en avait eu un troisième, forgé par des linguistes sans-culottes et sans oreille: vendémiaire. Une horreur! Ce vendé n’est pas, comme ils le prétendent, celui des vendanges : il est le vendé des vandales qu’ils sont. Il n’y a point dans leur vendé le rire des vendangeuses sous le soleil qui tambourine. Non plus le claquement sec du sécateur qui, dans le matin froid, fait s’envoler les étourneaux. Il n’ y a rien. Rien non plus dans ce miaire qui n’est ni mare ni mûre, et impose sa mièvrerie : vendémièvre. Les délogeurs de passé caché dans les vieux mots n’ont ni oreille ni imagination comme le prouve leur tentative de remplacer décembre avec ses braises sous le cendre par nivôse qui semble le nom d’une maladie de la peau. Nivôse : inflammation carabinée de l’épiderme du nez.
Lundi 22 août 2022, je ne comprends ni monsieur Larousse ni Madame Robert qui tous les deux ont gardé connasse et viré cognasse. N’auraient-ils pas dû faire l’inverse: se débarrasser de connasse et conserver cognasse? Connasse en effet appartient à une famille fort bien représentée dans les dicos : con, conne, connard, connarde, conneau…Cognasse, lui, était seul dans sa colonne. Cognasse désigne le fruit du cognassier non greffé, le coing sauvage. Faire aujourd’hui la chasse au coing sauvage, c’est agir barbarement. Notons que cet adverbe a été, lui aussi, reconduit à la frontière.
Dimanche 21 août 2022, présents dans l’édition de 1856 du Larousse, anée et antivermineux se sont fait virer. Anée désigne la charge portée par un âne. Le mot a disparu, pas l’esclavage de l’âne, condamné à trimballer toute l’année son anée. On ne peut prononcer antivermineux sans grimacer. Au siècle derniers bambines et bambins devaient avaler des cuillerées d’antivermineux. Le plus fameux d’entre eux : le vermifuge Lune. Claude Nougaro eut droit, miochon, à sa ration. Il en fera une chanson.
Samedi 20 août 2022, dans les dicos – dico-dico par-ci, dico-dico par-là, répètent les doigts de Paco di Lucia -, on ne croise plus embesogné, adjectif synonyme de fort occupé. On lui préfère overbooké. On ne croise plus non plus chopiner, verbe intransitif, populaire et charmant qui signifie boire fréquemment du vin. Lui, il n’a été remplacé par rien et, de lui, je me souviens. Chopin, chopine, chopiner : l’été, je bois des notes et du rosé.
Jeudi 18 août 2022, on parle volontiers des mots qui entrent dans les dicos, jamais de ceux qui s’en font virer. Les purges ont lieu tous les sept ans, à la refonte des dicos . Il y a peu, ils ont reconduit à la frontière zinzolin. Zinzolin : couleur d’un violet rougeâtre que l’on obtient du sésame. Je l’aime bien, zinzolin, on s’est rencontrés chez Boris Vian, dans un poème, je crois. J’ai retrouvé zinzolin, et je l’ai fait revenir chez nous, chez lui, dans les livres. On peut désormais le croiser dans mon abécédaire des « Grimpeurs du Tour de France », page 184, quand je parle de Poulidor, le grimpeur zinzolin. Sa longue carrière durant, Poupou resta fidèle en effet au maillot violet de l’équipe Mercier. Autre mot viré du dico : brouée. Ils ne leur plaisaient plus, brouée. Il était encombrant, brouée. Il devait dégager, brouée, laisser la place à adulescence, passe vaccinal et vaccinodrome. Une brouée est une pluie subite et courte. Le mot n’est plus là, la pluie non plus.
Mercredi 17 août 2022, j’étais en sixième au collège Jean-Jacques Rousseau à Tarbes. Le prof absent, à 10h je franchissais sur mon vélo le portail de la maison. Debout dans la cuisine, mon père regardait par la fenêtre les coteaux, le ciel, les nuages qui se bousculaient. Près de lui, sur le rebord de l’évier, ouverte, une boite d’anchois. Pointant son couteau sur elle, il m’invita à partager son casse-croûte. Ce que je fis, fier de coucher d’un geste semblable au sien un anchois sur une tranche de pain. Le couteau qu’il tenait, moult fois aiguisé, n’avait plus qu’une lame minuscule. Ma grand-mère appelait crèsta-murguèta – châtre-souris – ces couteaux rikiki.
Mardi 16 août 2022, rentrée littéraire : 490 romans. Probablement 490 fois le même roman…Je vais relire Pierre et Paul– Reverdy et Verlaine -, et les deux Louis: Aragon et Scutenaire.
Lundi 15 août 2022, mon père priait plusieurs fois par jour. Il lui arrivait même de quitter la table pour aller, sous la grange, réciter un Je vous salue Marie. Il priait sous la grange ou dans le jardin, en marchant. Il priait si souvent que je m étais demandé: pour qui d’autre que nous papa prie-t-il ? Pour ses camarades. Pour ses camarades qui avaient débarqué avec lui en Provence et n’étaient pas revenus. Papa ne nous parlait jamais du débarquement en Provence. Il ne parlait du débarquement qu’avec Dieu. Ou Marie.
Dimanche 14 août 2022, un film, sans caractère ni saveur, se voit qualifié de navet. Pourquoi insulter le navet ? Foutez la paix au navet ! Le navet n’est pas Christian Clavier. Piqué de clous de girofle, il se fait bigrement remarquer dans le pot au feu. Et, dans la cocotte au fond et aux flancs tapissés de feuilles de figuier, assaisonné, arrosé d’huile d’olive et de porto, il crève l’écran, le navet, il est la star, le navet. Libérez le navet !
Samedi 13 août 2022, je me souviens de la Juvaquatre du boulanger, pendant la tournée. On s’approchait de la portière et l’odeur du pain, pareil à un petit nuage brioché, nous enveloppait. Il annonçait son arrivée en klaxonnant. Ma grand-mère ne disait pas klaxonner mais corner. Corner comme corne de brume. La Juvaquatre jetait l’encre devant chez nous, puis repartait, naviguait vers un autre port, une autre crique.
Vendredi 12 août 2022, à Aureilhan après la pluie, je sortais ramasser des escargots qui, eux-aussi, étaient de sortie. Je les glissais dans une boite en fer dans laquelle ils jeûneraient. Puis, je les confiais à ma tante Madeleine. Elle leur trouvait une place dans sa remorque remplie de bouquets de fleurs qu’elle attachait à son Solex. Elle vendait ses fleurs et mes escargots au marché de Tarbes, sous la halle Marcadieu. Je me souviens du prix qu’elle avait elle-même fixé : 5francs les 100.
Jeudi 11 août 2022, quand l’orage menaçait, Pipo, le chien de ma grand-mère, abandonnait la cour et venait se réfugier sous la table de la cuisine. Il tremblait. Ma grand-mère le rassurait avec des mots gascons.
Mercredi 10 août 2022, il y avait à la maison, à Aureilhan, quelques livres de la collection Rouge & or – je me souviens des Trois cavaliers d’Iraty de Michèle Arnéguy – ,
un Précis d’Histoire Sainte
et, en édition de poche, Terre des hommes d’Antoine de Saint-Exupéry.
Je l’avais aimé, le roman de Saint-Ex, la première phrase claquait à souhait, brillait comme les éperons d’un cavalier: « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. » Ado, avec les étrennes et l’argent du Père Noël , j’ achetai Saint-Ex en La Pléiade, et tombai sur les premiers mots de la première version de « Citadelle » : « J’étais seigneur berbère et je rentrais chez moi. Je venais d’assister à la tonte des laines de mille brebis de mon patrimoine. Elles ne portent point là-bas ces clochettes qui, du versant de leurs collines vers les étoiles, répandent leur bénédiction. Elles imitent seulement le bruit d’une eau courante, et nous qu’assiège la soif, cette musique seule nous rassure… » Je me souviens de ces quelques phrases, j’ai oublié celles de la version définitive….
Avec, dans ma valoche, quelques poètes et Saint-Ex, je file en fac de lettres à Toulouse, où je découvre les Surréalistes, André Breton, Paul Eluard, Aragon, et Delteil qui fut un temps leur compagnon.
et découvre ces mots de Breton à propos de Saint-Ex : « Ecrivain-aviateur qui débite des banalités à haute altitude ».
…aviateur, aviateur, aviateur…..
Mardi 9 août 2022, les jours du glacier du Pic d’Aneto devant lequel les étoiles se maquillent avant d’aller au bal, sont comptés. Ce que l’argent fait de nous est terrifiant.
Mardi 9 août 2022, dans « des minutes de lumière en plus », Pierre Vavasseur se penche chaleureusement sur mes « Grimpeurs » et mes syllabes parnassiennes
Lundi 8 août 2022, les pétales sont le trampoline des guêpes.
Dimanche 8 août 2022, (écrit avec les pieds, fin) ces romanciers français qui n’écrivent ni avec les pieds, ni avec les poings, qui ont si peu d’air dans les poumons, sont à la littérature ce que Vincent Delerm est à la chanson.
Dimanche 8 août 2022, hier, l’empreinte d’une espadrille sur un chemin de sable, vers chez Mauriac. Aujourd’hui, notre empreinte carbone.
Samedi 7 août 2022, le journaliste a le souci des faits, l’écrivain ne se soucie que de lui-même.
Vendredi 5 août 2022, (écrit avec les pieds, suite),mais avec quoi sont-ils écrits, les textes mal écrits: avec les poings ? Nullement. Leurs auteurs ne boxent ni la langue, ni le vent aux abords des abribus. Le papillon, l’abeille, ce n’est pas eux, c’est Mohamed Ali. Leurs textes, ils les écrivent avec le peu d’air que renferment leurs poumons rabougris. Un air qui ne garde le souvenir d’aucune feuille, d’aucune bourrasque, d’aucune buée aux vitres, d’aucune peur, d’aucun enthousiasme.
Jeudi 4 août 2022, la nuit, je dors. Le jour, je rêve.
Mardi 2 août 2022, (écrit avec les pieds, suite), écrit avec les pieds, petragallien, le texte se déplie, se déploie, respire, marche à notre rencontre, ouvre la porte de notre cœur, devient un compagnon. Compagnon: quel beau mot que celui-là, riche de tant de fugues! Compagnon n’a rien à voir avec accompagner, verbe douceâtre, infantilisant, carcéral qui siffle à nos oreilles, du matin au soir ! Avons-nous une envie, un souhait, un projet qu’aussitôt l’on dépêche à notre chevet un conseiller chargé de nous « accompagner ». L’accompagnateur est une laisse. Tout compagnon est d’échappée.
Dimanche 31 juillet 2022, d’un texte mal écrit, ils disent qu’il est écrit avec les pieds. Comment peut-on proférer semblable absurdité ! Les pieds sont de grands écrivains. Les pieds du griot écrivent un à un sur la terre craquelée le nom des gouttes de pluie pour qu’elle tombe. Les pieds voltigeurs de Jacques Anquetil écrivent sur la route le nom du vent qu’il perfore et emporte sur son dos, lors d’un chrono. Les pieds de Marie-Claude Pietragalla écrivent sur les planches le nom de l’oiseau qu’elle devient. Les pieds d’Antoine Dupont écrivent sur la pelouse du stade de France le nom de l’éclair qu’il chevauche lorsque, ayant vivement échappé aux Anglais, il file vers l’essai. Chapeau, les pieds !
Mercredi 27 juillet, 2022, Tour de France Femmes, Coralie Demay, devant, dans la poussière blanche du Chemin des vignes, puis dans celle, tout aussi blanche, du Plateau de Blu, Coralie Demay et son maillot orange Saint-Michel Auber. Saint-Michel, mon Dieu, les galettes Saint-Michel! La biscuiterie familiale Saint-Michel sponsorisant une équipe cycliste: tout n’est peut-être pas perdu.
Mercredi 27 juillet 2022, je fouille, farfouille et tombe sur Les Frères Jacques, la sphère Jacques, disait Claude.
Lundi 25 juillet 2022, le Tour est terminé: « « Quand finit le Tour de France cycliste, j’ai une espèce de dépression qui ne nécessite certes pas que j’aille dans une zone de repos, mais je sens qu’il me manque quelque chose : une grande partie de l’enchantement paradisiaque de mon été vient de se terminer. » Salvador Dali
22 juillet 2022, étape Lourdes-Hautacam: le col splendide de Spandelles .
13 juillet 2022, col du Granon, il est en jaune, il est un as, il est Jonas, Jonas Vingegaarg
8 juillet 2022, durant la retransmission de l’étape du Tour, on doit désormais supporter l’emploi répété de l’adjectif « compliqué ». Un de ces mots morts dont la liste non exhaustive figure dans « Bonheur ».
4 juillet 2022, Jean-Julien Ezvan (Le Figaro) me pose quelques questions à propos du Tour de France, celle-ci notamment:
-Quel est l’objet que vous avez conservé précieusement de cette course ?
– Un bidon lancé par Robert Cazala , au lieu-dit La Séoube, au pied du col d’Aspin. Il y avait le ravitaillement qui était à Sainte-Marie-de-Campan. Le bidon de Cazala, il est toujours chez moi. ..Aujourd’hui on sanctionne des coureurs parce qu’ils se débarrassent des bidons hors de la zone prévue à cet effet et on leur colle des amendes. C’est pousser l’hygiénisme et l’écologie un peu loin! C’est ridicule. Surtout, on fait des malheureux ! Les malheureux, ce sont les gosses qui ramassaient les bidons. Laissons les coureurs jeter les bidons ! il y aura toujours des miochons pour ramasser les bidons…
3 juillet 2022, régulièrement, durant la retransmission de l’étape du Tour, le journaliste nous informe que Pogacar ou Roglic ou Bardet « satisfont un besoin naturel ». Cette périphrase qui tourne autour du jet est quelque peu jaunie. Le journaliste délivrant l’info devrait proposer un mot plus coloré. De mots – « j’ai les rotules en os de mort , « j’ai roulé la selle dans le cul » – les coureurs du Tour en eux plein la musette, eux. Si le journaliste n’en trouve pas, qu’il se taise et laisse pisser.
1 juillet au 24 juillet 2022, sur RTL, à 7h 30, ma chronique « Fenêtre sur Tour », mots dits dans la roue des Géants.
1 juillet 2022, jour de départ de la 109e édition du Tour de France, Le Figaro Magazine publie ma nouvelle:
Miguel Indurain et les ours d’Hautacam
Les Basques, les gars de Pampelune, les filles brunes, avec l’ikurriña[1] sur le tee-shirt et les seins dessous, ont passé la frontière avant la nuit. Tous sont là pour Miguel Indurain. Nous aussi. Nous, c’est moi et ceux de l’Adour, d’Aureilhan, d’Orleix, d’Ossun. Et de Tarbes, où naquit Yvette Horner, l’époustouflante « Vévette Underground » qui accompagnait, avec son Cavagnolo, Louison Bobet gravissant le Galibier, ou Boy George chantant « Summertime ». Ses parents habitaient derrière chez nous. Elle leur rendait visite. Les vaches lâchaient des bouses dans les rues, Yvette les écrasait avec les pneus à flancs blancs de sa Cadillac. Yvette : toute l’année on écoute Angèle ou Orelsan, mais dès qu’on dresse la table de camping dans le col, on sifflote « La Marche des mineurs » d’ Yvette Horner. Le jour du Tour, c’est le jour d’Yvette.
Le jour, le voici, il se lève. De chaque côté de la route cambrée d’Hautacam, des bagnoles, des camping-cars. Il n’ y a plus une place, et les Basques n’ont plus de peinture. Ils ont peint, en blanc sur le goudron noir, le nom d’Indurain, et le nom de tous les villages de Navarre, à commencer par Villava où Miguel a grandi, où ses parents ont une ferme. Miguel Indurain, en jaune, coupera les lettres blanches de son nom, roulera vers lui-même, vers chez lui, vers les maisons de son pays. Les Basques n’ont plus de peinture, les viandes grésillent sur les barbecues, les bouteilles sont débouchées. Tous les vins, fruits de la vigne et du travail des hommes – Irouléguy, Rioja, Buzet, Madiran – sont dans Hautacam, prêts à réchauffer nos balèzes gosiers. Sous le soleil ému, au cœur de la montagne qui nous regarde, nos vins nous aideront à chanter la gloire d’Indurain. Nous sommes dans Hautacam, Miguel va passer, nous sommes vivants. Nos charcuteries nous empêchent de mourir de faim, et nos légendes de mourir de froid. Et Miguel 1er, notre roi, celui de Navarre et de la forêt d’Irati, nous le saluerons comme il se doit, avec des cris, des onomatopées, des trucs sonores tarabiscotés. Nous chanterons, nous hurlerons, et les filles brunes, avec l’ ikurriña sur le tee-shirt et les seins dessous, danseront.
Tout à coup, sortis d’un minibus, des mecs et des meufs, vêtus de frocs mous et chaussés de Birkenstock, s’allongent sur la route. Un seul d’entre eux reste debout. Il brandit un mégaphone, le colle à sa bouche, dénonce le sport-business qui pollue la planète, puis s’allonge à son tour. Et Miguel, il va passer où, Miguel ? Il n’est pas loin, Miguel, faut qu’ils dégagent, on entend l’hélico. Des motos de la gendarmerie arrivent, stoppent à leur hauteur : ils doivent libérer la route immédiatement. Ils refusent d’obtempérer. Et Miguel, il va passer où, Miguel ?
Je sens un souffle chaud dans mon dos et, très vite, une puissante odeur me pilonne le pif. Je me retourne : les ours. Je leur dis quelques mots en gascon, cette langue que raillait Voltaire et que goûtait Montaigne. Je m’écarte, ils passent, ils sont sur la route. Les manifestants, épouvantés, se relèvent d’un bond, se réfugient derrière les motards de la gendarmerie et, tremblant comme des philosophes, les supplient d’abattre ces fauves qui vont les dévorer. Les motards, enfourchant leur machine, préfèrent se tirer. Les manifestants s’enfuient, les ours se mêlent à nous. Ils suivent le Tour de France depuis 1910.
L’hélico est au-dessus de nous maintenant, au-dessus des ours. La rumeur des pales et des rotors ne les affole pas. Miguel va arriver, il arrive, il est là, en ligne sur son Pinarello blanc, le buste parfaitement immobile, les coudes rentrés, la casquette blanche posée sur son front comme un flocon de neige. Laquées de sueur, ses jambes luisent comme des pistons, Miguel Indurain est une locomotive, la locomotive d’Hautacam, tacam-tacam, tacam-tacam. Parvenu à hauteur des ours, il plonge une main dans la poche de son maillot jaune et leur jette en passant le miel du ravitaillement. Tacam-tacam, tacam-tacam…
vendredi 1 juillet, 8h10, RCF, je réponds aux questions de Simon Marty, à propos du Tour de France, des grimpeurs, et lui parle du col de Spandelles que le peloton escalade pour la première fois, et dont j’aime les chevaux agglutinés au milieu de la route étroite à une borne du sommet
mardi 28 juin, RTL, « Les Grosses têtes », « Le livre du jour » : je réponds aux questions de Laurent Ruquier à propos de mon livre Les Grimpeurs du Tour de France (Ed. du Rocher)
juin, mars 2022, ma chronique « Percolateur », dans La Nouvelle République des Pyrénées, journal le plus lu par les ours.
La vie augmente. Ces mots, nous les entendons tous les jours. Ces mots, le poète Eugène Guillevic les entendait, lui aussi, tous les jours, en 1949. Ecoutons Eugène Guillevic : « La vie augmente, ce n’est pas/Que le corps des femmes/Devient plus vaste, que les arbres/Se sont mis à monter/Par-dessus les nuages,/Que l’on peut voyager/Dans la moindre des fleurs,/Que les amants/ Peuvent des jours entiers rester à s’épouser./Mais c’est tout simplement,/Qu’il devient difficile/De vivre simplement. «
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Le Tour de France approchant, les éditions Premier Parallèle ressortent, en poche, « Le versant féroce de la joie », livre puissant qu’Olivier Haralambon, écrivain, philosophe et ancien coureur, a consacré à Frank Vandenbroucke, champion énigmatique, héros de roman, tantôt costaud, tantôt en morceaux, toujours à vif, remportant magnifiquement en 1999 Liège-Bastogne-Liège, mort à 34 ans dans sa chambre d’hôtel à Saly Portudal au Sénégal. « Il était de ces êtres qui d’un rire vous jettent leur douleur au visage, et dont on comprend immédiatement, en dépit du regret qu’on en conçoit, qu’il sera difficile d’entretenir avec eux une relation pérenne », écrit Haralambon. Un beau livre. Haralambon.
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Chaque matin, le coq fait son boulot de coq : il chante. Il chante dans les villages et dans L’Evangile selon Saint-Matthieu. Une star, le coq, même Jésus le connaît. Mais, à Oursbelille, il n’a pas que des amis, le matinal ténor des basses-cours, le Luciano Pavarotti des fermes bigourdanes. Un mec voudrait, à Oursbelille, lui clouer le bec. Dressé sur ses ergots, le mec vole dans les plumes de la propriétaire du rocker des aurores, et la somme de s’en débarrasser: les nuisances doivent cesser. Le chant du coq constituerait donc une nuisance. Tel n’est pas l’avis des poules. Mais l’avis des poules, le mec d’Oursbelille, il s’en fout. Tel n’est pas l’avis des oiseaux. Mais l’avis des oiseaux, le mec d’Oursbelille, il s’en cogne. Tel n’est pas l’avis des vaches. Mais l’avis des vaches, le mec d’Oursebelille, il s’en tape. Tel n’est pas l’avis du vent. Mais l’avis du vent, le mec d’Oursbelille, il s’en moque. Tel n’est pas l’avis des habitants d’Oursbelille. Mais l’avis des habitants, le mec d’Oursbelille, il s’en bat l’œil. Ce qu’il veut, le mec d’Oursbelille , c’est un monde sans coq, sans poules, sans oiseaux, sans vaches, sans vent, sans habitants, bref, un monde invivable. Tout le contraire d’Oursbelille.
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La cloche d’Ossun qui, chaque matin, à 6h50, fait le boulot du coq d’Oursbelille, a elle aussi ses détracteurs. L’Angélus constituerait une nuisance. Qui dit cela manque d’oreille, ne fait pas la différence entre un tintement et un bruit, entre une cloche surfant sur le silence et un Klaxon qui le déchire. L’Angélus constituerait une nuisance. Qui dit cela médit d’un ami. Un très vieux compagnon qui nous salue trois fois par jour et qui, jadis, passait sa vie dans nos cuisines, sur le calendrier des Postes, peint par Jean-François Millet. L’Angélus constituerait une nuisance. Qui dit cela fait peu de cas du taf des tourterelles. Sur le coup de 10h et sur les toits d’Ossun, les tourterelles prolongent par leurs roucoulements l’Angélus du matin et, par de coquets hoquets de plumes, annoncent, celui de midi. L’Angélus de midi, plus enjoué, moins cotonneux que l’Angélus du matin est une invitation à poser les outils. Et à passer à table. Harmonie.
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30 mars 2022, 6h50 : maman s’éteint. Elle ne nous quitte pas : elle rejoint papa. Juliette et Jean, c’est un beau roman, une belle histoire d’Aureilhan. Ils se sont rencontrés à Aureilhan, rue de la Moisson, se sont mariés à l’église d’Aureilhan, ont vécu à Aureilhan. La vie à Aureilhan était rythmée par le pas lent des vaches. Des vaches auxquelles on parlait en gascon. Le gascon est la langue d’Aureilhan et de la Vierge Marie. C’est en gascon que La Vierge Marie s’est adressée à Bernadette Soubirous. Au ciel, on parle gascon, comme à Aureilhan: Maman ne quitte pas Aureilhan. Le ciel est la banlieue d’Aureilhan. Maman était modiste : elle confectionnait des chapeaux. Elle avait le souci du détail et de l’élégance. Je me souviens du chapeau qu’elle portait à l’église un jour de Pâques. Un chapeau bleu nuit, orné d’une voilette. Un chapeau bleu nuit comme un point sur le i du tailleur bleu ciel qu’elle avait elle-même dessiné, découpé et cousu. Maman aura mis bien des coups de ciseaux dans le bleu du ciel avant de l’habiter. Si, à l’église d’Aureilhan, on n’a pas froid, c’est en partie grâce à Juliette: comme d’autres paroissiens elle avait participé à l’organisation des kermesses. Avec l’argent récolté, le curé Poublanc et l’abbé Gaye, avaient fait installer le chauffage à l’église. Et remplacer les chaises par des bancs. Le chauffage fonctionne toujours, les bancs sont toujours là mais accueillent de moins en moins de fesses. Juliette va retrouver Jean, ses frères, Jean-Louis et Victor, et sa sœur Madeleine. Jean-Louis travaillait le bois, Victor était talonneur au Stado. Madeleine et Juliette aimaient les fleurs. Les fleurs, comme la musique, transforment l’ici-bas en ici-Haut. Quand j’écoute le Duo des fleurs de Leo Delibes, je retrouve le duo des sœurs d’Aureilhan.
[1] Ikurriña : drapeau basque.